Tunnel Stéphanie: sa fermeture a été décidée après la découverte de fissures. © MARIE VAN DEN MEERSSCHAUT/REPORTERS

Bruxelles : quelle solution pour les tunnels ?

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Faut-il les rénover ? Ou les démolir ? La cacophonie politique autour de l’avenir des tunnels bruxellois, en piteux état, cache une réalité : la capitale, victime de la régionalisation, est dans l’impasse.

Un tunnel qui tousse et c’est Bruxelles qui s’enrhume. Axe très fréquenté, le tunnel Stéphanie est fermé au trafic depuis le 12 janvier et pour au moins un an, après la découverte de fissures dans le plafond de l’ouvrage. Résultat : navetteurs, automobilistes bruxellois, bus et trams sont et seront, plus encore que d’habitude, englués dans le quartier Louise et au-delà. L’ensemble du béton endommagé doit être décapé. Les fissures ont été constatées lors d’un sondage des toitures des tunnels bruxellois, opération décidée après la chute, en novembre dernier, d’un bloc de béton dans le tunnel Rogier.

Embarrassée de se voir imputer une responsabilité à chaque incident, la Ville de Bruxelles a fait part aux autorités régionales de son inquiétude à propos de l’ensemble du réseau souterrain bruxellois, en piteux état. Pascal Smet, ministre de la Mobilité (SP.A), se défend en mettant en avant le doublement, par rapport à 2014, du budget d’entretien des tunnels en 2016 (porté à 30 millions d’euros). Le calendrier des chantiers sera fixé sous peu, une fois achevé l’état des lieux demandé à Bruxelles Mobilité. Pour autant, des usagers pointent l’absence de stratégie et le défaut de prévoyance des pouvoirs publics bruxellois. Touring dénonce un « manque d’entretien structurel » des ouvrages routiers, « conséquence d’un sous-investissement depuis trente ans ».

« Les tunnels ont été régulièrement entretenus, assure un ingénieur impliqué dans le projet de rénovation du  »Léopold II ». Mais ces infrastructures datent des années 1960 à 1980. Le béton a vieilli et commence à lâcher. On aurait dû prévoir un plan de rénovation lourde il y a plusieurs années, mais son coût est pharaonique et la Région manque cruellement de moyens. » Pour notre interlocuteur, Bruxelles est victime de la régionalisation : « Pendant vingt ans, les blocages communautaires l’ont étranglée financièrement. Aujourd’hui encore, la capitale n’a pas son sort entre les mains. Des dossiers comme la rénovation des tunnels, l’augmentation de l’offre de transports publics, l’automatisation du métro, le RER, l’instauration d’un péage et d’une imposition partielle des navetteurs sur le lieu de travail dépendent tous d’accords avec le fédéral, la SNCB, les autres Régions. Voilà pourquoi Bruxelles est à la traîne en matière de mobilité. »

A elle seule, la rénovation du tunnel Léopold II, prévue pour les années 2018 à 2020, est estimée à 660 millions d’euros, payables sur une durée de trente ans, via un partenariat public-privé aux contours encore flou. Face à une note aussi salée, des voix s’élèvent, chez Ecolo, au CDH et au PS, en faveur d’une fermeture définitive du plus long ouvrage routier souterrain du pays, voire de la suppression d’autres tunnels bruxellois. Le fait que la Région ait récemment renoncé au creusement d’un tunnel sous la place Meiser, après avoir décidé la démolition du viaduc Reyers, crée un précédent qui a sans doute incité des élus à sortir du bois. Mais Pascal Smet nie tout revirement du gouvernement bruxellois à propos du « Léopold II », même si le ministre a avoué que la décision de le rénover a été prise « sans grande envie ». Pour le MR, la fermeture des tunnels risque d’asphyxier encore plus Bruxelles et d’encourager la délocalisation d’entreprises hors de la capitale. Yvan Mayeur, bourgmestre socialiste de la Ville, se déclare lui aussi hostile à la disparition des tunnels. Réaction prévisible : son vaste piétonnier, en centre-ville, serait encore plus contesté si le trafic perdait toute fluidité sur la Petite ceinture !

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