Bruxelles : politique d’immobilité

Bruxelles, capitale la plus embouteillée d’Europe. Ville médiévale qui digère mal son statut international… Fatalité ou mal-gouvernance ?

L’épisode du piétonnier au centre-ville en témoigne une nouvelle fois. A entendre la porte-parole de la Ville de Bruxelles, c’était une question de jours pour que les automobilistes « s’habituent ». Le ton manquait quelque peu de gravité face au chaos provoqué sur la petite ceinture déjà engorgée en temps normal. Les travaux Rue Belliard ont bon dos. Les choses ont fini par s’arranger, mais plus en raison du démarrage des vacances que d’une faculté d’adaptation miraculeuse des navetteurs, en l’absence de véritable plan B via les rues avoisinantes, elles-mêmes saturées. S’est constituée de facto une mini-petite ceinture qui va du Boulevard de l’Empereur, qui n’en demandait pas tant, à la Rue des Alexiens et la rue Van Arteveld.

L’échéance de nouvelles élections communales dans trois ans a-t-elle poussé Yvan Mayeur à oser un coup de force ? Le dispositif est à l’essai pour huit mois. De nouvelles zones piétonnes sont projetées pour 2018. Alors qu’on attend toujours le RER, le métro nord-sud et l’élargissement de la jonction nord-midi. De vraies alternatives sans lesquelles un switch des automobilistes n’est pas envisageable. A moins de s’asseoir sur les toits des rames comme en Inde.

Le viaduc Reyers ? Sa démolition est (enfin) programmée pour le milieu de l’été. Elle devrait durer près d’un an. Aucun plan B d’envergure n’a réellement été mis en place. Et l’hélicoptère reste un luxe de nos jours. On aurait pu espérer la remise à deux fois deux bandes de l’avenue des Communautés (première grande voirie parallèle en allant vers l’Est) qui permet de s’évacuer vers l’autoroute de Liège, mais c’eut été trop demander. A l’Est, le quartier est truffé de parcs d’entreprise dont il devient périlleux de sortir vers 17 h 00. La commune d’Evere a beaucoup d’ambition lorsqu’il s’agit d’attirer le plus grand Decathlon d’Europe, mais en ce qui concerne la fluidité du trafic, elle est à court d’idées. Les communes voient surtout dans ces Enterprise Park des recettes fiscales stables. Mais tous les zonings existants et ceux en projet mènent aux voiries existantes. La paralysie est donc inscrite dans les astres.

Plus à l’extérieur, le ring de Bruxelles à deux fois trois bandes n’est pas plus large qu’une autoroute de campagne entre Liège et Louvain. Le ring Est « Mont Saint-Jean » n’est qu’à deux fois deux bandes et n’a pas même le statut d’autoroute. Au nord et à l’Est du Ring, les velléités flamandes d’élargissement se heurtent à l’utopie verte qui règne à Bruxelles. Les innombrables camions en transit autour de la capitale ne sont pourtant pas moins polluants à l’arrêt… Faudrait-il les interdire entre 8 et 11h ? Ça résoudrait une partie du problème.

Au Sud-Ouest, sur l’autoroute Mons-Bruxelles, le viaduc de de Wauthier-Braine vaut le détour : après trois ans et demi de travaux, le passage sud-nord n’est toujours pas terminé. C’est un chantier fantôme. Pas d’ouvriers, pas de bétonneuses. L’entrepreneur a-t-il fait faillite ? La Région wallonne ne paie plus les factures ? Situation très étrange que de voir ce bitume arraché et lunaire qui fait penser à un film catastrophe hollywoodien. L’échéance de mai 2015 pour la fin de l’asphaltage et la remise à deux sens de circulation relèvent désormais de l’utopie.

Fallait-il retarder les travaux à Anderlecht Industrie ? Pensez-vous ! La coordination entre Régions est une notion évanescente. Une heure de file tous les matins depuis Hal. En plein mois de juillet. Et des transporteurs routiers et navetteurs qui tentent leur chance par le ring Est…

Mobilité : Le burnout des travailleuses et des travailleurs commence tôt le matin, sur nos routes

Les navetteurs restés en poste en ce début de juillet en sont pour leurs frais. La situation est pire qu’au mois de juin. Le burnout des travailleuses et des travailleurs commence tôt le matin, sur nos routes. Et l’incapacité de travail pour raisons psychologiques monte en flèche.

Reste la bicyclette. Là aussi, est-elle aussi bienvenue qu’on le dit ? Il suffit d’emprunter l’Avenue Roosevelt pour répondre à la question. A côté d’un large terre-plein de gazon laissé vierge pour le plaisir des yeux des diplomates, on a tracé au pinceau deux minuscules et prétendues « pistes cyclables » au milieu des voitures qui ne peuvent même plus avancer de front. Ce qui fait, là comme ailleurs, de la petite reine un des moyens de locomotion le plus risqué et accessoirement cancérigène. Peindre un petit motif à l’effigie d’un vélo sur une voirie et prétendre qu’on encourage les deux roues relève de l’imposture.

La situation ubuesque d’une capitale européenne en travaux permanents ne profite qu’aux écoles d’ingénieurs dont les étudiants peuvent apprécier une infinité de travaux pratiques. Comme en témoigne la gare Schumann, une prouesse technologique rendue nécessaire par 50 ans d’improvisation et de politique à courte vue.

Mobilité ? A Bruxelles et alentour, c’est bien d’une politique d’immobilité dont il faudrait parler. En mesure-t-on bien les conséquences toxiques sur le PIB bruxellois ?

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire