Pour l'économiste, en 2017, on pourrait connaître de grandes tensions monétaires. © JONAS HAMERS/BELGAIMAGE

Bruno Colmant: « nous risquons de connaître de grandes tensions monétaires »

Philippe Berkenbaum
Philippe Berkenbaum Journaliste

Professeur d’université et responsable de la recherche macroéconomique chez Degroof Petercam, l’économiste Bruno Colmant nous livre ses prévisions.

2017 sera-t-elle encore une année de grandes incertitudes ?

Avec l’entrée en fonction de Donald Trump, les négociations sur le Brexit, les élections en France et en Allemagne, les tensions géopolitiques etc., on entre en période de hautes turbulences, amplifiées par le rôle considérable pris par les banques centrales depuis 2008 en devenant les principales animatrices des marchés. Conséquence : on va rester confrontés à des taux d’intérêt à court terme extrêmement bas parce que les banques centrales vont continuer à soutenir l’économie. Même les taux à long terme resteront faibles car les Etats étant très endettés, ils ne peuvent se permettre de les laisser filer. On risque aussi de connaître de grandes tensions monétaires. On a vu la livre se déprécier fortement, l’arrivée de Trump pourrait induire des chocs importants. C’est déjà le cas avec le peso mexicain et s’il met en oeuvre une politique protectionniste à l’égard des Chinois ou même des Européens, cela conduira immanquablement à des ajustements monétaires. Je n’exclus pas qu’on assiste à une véritable guerre des monnaies avec dépréciations successives, ce qui à terme amplifiera l’inflation.

Quel impact pour les investisseurs, très concrètement ?

u0022Un rentier, c’est quelqu’un qui ne prend pas de risqueu0022

Leurs comptes d’épargne vont rester très faiblement rémunérés et les placements obligataires à long terme garderont des taux extrêmement bas. Dans un contexte inflationniste, cela signifie des taux réels négatifs sur les placements à long terme et une perte de pouvoir d’achat pour les épargnants. Conclusion inéluctable : on doit investir dans un portefeuille d’actions extrêmement diversifié, pour autant que la tolérance au temps soit suffisante. Car quel que soit le moment d’entrée, un placement boursier bien diversifié a besoin, comme le bon vin, de cinq à huit ans pour que les gains compensent les pertes et pour produire un rendement largement supérieur à celui des obligations.

Si l’inflation s’emballe, les taux d’intérêt ne devraient-ils pas remonter ?

La donne a changé, plusieurs facteurs pèsent sur les taux. Il y a le vieillissement de la population, qui devient globalement moins ardente, moins emprunteuse, moins investisseuse. Il y a la digitalisation de l’économie qui change la logique capitalistique car si les tâches humaines sont progressivement remplacées ou complétées par des robots, la nature de productivité change et cela conduit à moins de croissance. Et il y a l’endettement intenable des Etats. Normalement, quand un pays est trop endetté, il doit payer des taux plus élevés aux investisseurs car il représente un plus gros risque. Mais les banques centrales sont devenues les auxiliaires des Etats pour éviter la hausse des taux d’intérêt. De plus, les injections massives de capitaux opérées par les banques centrales pour soutenir la croissance alimenteront, elles aussi, à terme, l’inflation. La combinaison très néfaste pour l’épargnant entre des taux bas et une inflation élevée, qui rogne leur capital, risque de se prolonger longtemps. C’est ce qu’on appelle l’euthanasie des rentiers. Un rentier, c’est quelqu’un qui ne prend pas de risque. Voilà pourquoi il faut placer son argent dans un portefeuille d’actions.

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