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Brouillard wallon autour des éoliennes

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Les Wallons ont jusqu’au 30 octobre pour se prononcer sur l’implantation de leurs futures éoliennes. Mais le nombre de mâts sera plus important qu’annoncé.

Hué par ses détracteurs durant plusieurs mois, le cadre de référence éolien avait besoin de souffler. Après s’être offert une mise au vert lors de la trêve estivale, la cartographie du dossier refait surface avec l’enquête publique initiée début septembre et qui prend fin le 30 octobre. Dans une version plus « light », rabotée en juillet : l’objectif éolien sur le territoire wallon se limite désormais à 3 800 gigawattheures (GWh) annuels pour l’horizon 2020 – contre 4 500 GWh dans la mouture précédente. Pourtant, l’analyse des critères intégrés dans le cadre de référence aboutit sur une hausse du nombre d’éoliennes à implanter dans les prochaines années.

La cartographie éolienne identifie les espaces favorables à l’implantation wallonne de nouveaux mâts. Mais aussi l’emplacement des parcs existants et leur capacité de production estimée par l’Association de promotion des énergies renouvelables (Apere). Le document évoque un « productible existant » de 2 165 GWh par an au 15 janvier 2013, alimenté par 414 éoliennes brassant le vent wallon. Problème : à l’heure actuelle, la Wallonie compte très exactement 273 éoliennes sur son territoire. Par ailleurs, en 2012, l’éolien aurait produit 1 267 GWh au sud du pays d’après l’Apere. De son côté, la Cwape (Commission wallonne pour l’énergie) avance un chiffre encore inférieur dans un rapport daté du 16 septembre : 1 135 GWh en 2012. On est loin des 2 165 GWh évoqués plus haut.

Pourquoi un tel écart ? Parce que le cadre de référence gonfle le parc « existant » en y intégrant les projets autorisés, en construction et même les projets éoliens en recours (177 mâts concernés au 1er juillet) devant le conseil d’Etat. Le ministre Philippe Henry (Ecolo) défend cette méthode de calcul. « Les projets en recours repris parmi les parcs existants respectent les critères de la cartographie. Pour le citoyen comme pour le promoteur, ils existent donc déjà en tant que tel. Et si ces dossiers-là n’aboutissent pas, d’autres prendront le relais. »

La cartographie éolienne en fait mention dans sa légende. Mais cette projection très optimiste est lourde de conséquences : en incluant la production en électricité de 141 éoliennes qui n’ont encore jamais goûté au vent wallon, elle tronque inévitablement le bilan éolien. Et crée par la même occasion une illusion : celle d’avoir accompli plus de la moitié du chemin énergétique menant vers les fameux 3 800 GWh annuels en 2020.

Jusqu’à 600 nouvelles éoliennes en 2020

Cette marge flottante de 141 éoliennes pourrait devenir encore plus conséquente dans les mois et années à venir. Le cadre de référence et l’Apere évaluent en effet le bilan de la production éolienne sur la base d’un taux de charge estimé à 25,1% en Wallonie. Le taux de charge d’une éolienne établit un pourcentage entre sa production réelle d’électricité et la production qu’elle délivrerait si elle tournait toute l’année à plein régime. Plus il est important, plus le rendement de l’éolienne est élevé.

Faute d’un bilan objectif de la production réelle des éoliennes en Wallonie, de nombreuses questions subsistent autour du taux de charge estimé par l’Apere et pris en compte dans le cadre de référence. D’après l’European Wind Energy Association (EWEA), grand lobby pourtant pro-éolien, le taux de charge moyen d’une éolienne est plutôt de 24 %. En France, le bilan éolien fait état d’un rendement de 22,8 %. Enfin, en Allemagne, le taux de charge des éoliennes installées affiche près de 17 % en 2012 et un peu plus de 19,2 % en 2011. De telles divergences remettent en question le rendement théorique de 25,1 % utilisé dans le cadre de référence éolien.

Si celui-ci s’avérait moins important dans les faits, le bilan actuel des éoliennes sera lui aussi bien inférieur à ce que prétend l’Apere. Le nombre de mâts à installer pourrait dès lors friser les 600 unités d’ici à 2020, pour un parc total de plus de 800 éoliennes. De son côté, la Cwape ne propose pas d’estimation en nombre de mâts. Une projection réaliste permet toutefois de miser sur un minimum de 500 nouvelles éoliennes de puissance moyenne (près de 5 GWh par an).

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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