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Bramsen et Alechinsky: Pierre(s), papier… et complicité !

Le Vif

Cet été, la Fondation Folon met en lumière l’amitié entre deux hommes réunis par une même passion pour l’imprimerie : le lithographe danois Peter Bramsen et l’artiste belge Pierre Alechinsky. Coup de coeur assuré !

Formidable lithographe formé à Copenhague, Peter Bramsen rejoint l’Atelier Clot en 1963. Cette maison parisienne mythique, qui mit ses presses au service des plus grands artistes (Rodin, Munch, Degas, Renoir…), tombait alors en désuétude. Petit-fils du fondateur, le docteur Guy Georges fait appel à Bramsen pour sortir l’enseigne de la tourmente et tenter de renouer avec le rayonnement des premiers temps…

Toujours en 1963, le Danois croise pour la première fois la route de son futur « vieil ami », Alechinsky. Réunis pour collaborer, le lithographe et le peintre ne se doutent pas encore de la longue amitié qui est en train de se tisser… Pis, aux premiers instants, ces deux-là semblent à cent lieues de pouvoir créer une telle complicité. Souvenir rapporté d’un moment-clé : « Pierre est matinal, je suis un couche-tard invétéré. C’est d’ailleurs sous le signe de cette différence fondamentale que s’est effectuée notre première rencontre. Un beau matin, me voilà tiré du lit par une sonnette implacable. Sur le seuil, je vois Pierre. Tout fringuant, deux plaques à la main, il vient pour travailler. […] La même année, nous attaquons notre première pierre. » (Peter Bramsen)

Un soutien indéfectible Désormais, Alechinsky développera la presque totalité de ses travaux à l’Imprimerie Clot, Bramsen et Georges. Malgré sa reconnaissance internationale, le Belge a toujours soutenu avec constance cette maison de renom. Une chance… « En de nombreuses occasions, c’est lui, par sa fidélité, qui nous a maintenus à flot. En particulier quand la crise a commencé et qu’il s’est avéré presque impossible de continuer », explique l’imprimeur.

Ensemble, Peter et Pierre produisent près de 500 lithos. Des oeuvres libérées dans lesquelles nous retrouvons toutes les fulgurances graphiques de l’artiste. Un vocabulaire fait de lignes qui structurent les compositions, se tordent, chancellent, ondulent et changent de direction. Une écriture explosive complétée de spirales, de tourbillons, de serpents, de volcans… Le tout dans des couleurs tantôt chatoyantes, tantôt dans des noirs et blancs ultra-puissants. Cette collaboration complice dure depuis 50 ans… Et parfois, comme dans tous les vieux couples, des tensions peuvent apparaître. « Dans ces occasions, fort rares, je n’ai jamais regretté de mesurer une ou deux têtes de plus que lui », plaisante Peter Bramsen.

L’exposition présentée à La Hulpe rassemble 85 estampes (issues de la collection privée de Bramsen), retraçant très efficacement un demi-siècle de production. Nous y découvrons aussi une série d' »Infeuilletables », soit une vingtaine de livres en porcelaine modelés dans les années 1980, à la demande d’Alechinsky, par le céramiste Hans Spinner. Plus loin, on apprécie la série des « papiers traités » : sur différents supports qu’il a chinés (vieilles factures, actes notariés…), l’artiste laisse libre cours à son pinceau, offrant à ces papiers « périmés » une nouvelle vitalité. Enfin, l’accrochage dévoile quelques beaux clichés… Des instantanés témoignant de cette infatigable amitié liant deux hommes exigeants, aussi patients que passionnés.

Peter & Pierre. Pierre Alechinsky. 50 ans de lithographies avec Peter Bramsen. Fondation Folon. Drève de la Ramée 6A, La Hulpe. Jusqu’au 15 septembre. www.fondationfolon.be

Gwennaëlle Gribaumont

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