Gérald Papy

Bons baisers de Russie

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Au crépuscule de 2013, le monde aura été frappé par deux visages de femmes venues de Russie. A peine libérée de son camp de travail de Sibérie, la chanteuse des Pussy Riot Nadejda Tolokonnikova a persisté dans son combat et prôné le boycot des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi qui s’ouvrent le 7 février. Recherchée parce qu’une de ses amies avait déjà attaqué un bus en octobre, la « veuve noire » Oksana Aslanova a adressé sensiblement le même message à Vladimir Poutine en déclenchant ses explosifs dans le hall d’entrée de la gare de Volgograd. La première symbolise volontiers la dignité et le courage. La seconde, l’effroi et le fanatisme.

Si le maître de la Russie n’a pas réussi depuis 1999 (comme Premier ministre ou président) à rallier la communauté internationale – confrontée au même fléau – à son combat légitime contre l’extrémisme islamiste, c’est bien parce que subsistent en Russie des Nadejda Tolokonnikova, emportées par la répression dévoyée du pouvoir autocratique contre les démocrates. Et même si la véritable opposition crédible au Kremlin émergera plutôt d’un Mikhaïl Khodorkovski, aujourd’hui brisé par ses années de goulag, le sort des Pussy Riot demeure exemplatif de la Russie de Poutine. Le fait du prince qu’il a exercé en les libérant à la veille de ses J.O. ne suffira donc pas à amadouer les dirigeants occidentaux, pourtant heureux du précieux concours qu’il leur a apporté dans la résolution des crises syrienne et iranienne.

Des événements de Volgograd peuvent être tirés deux enseignements pour 2014. L’année démontrera l’imbrication de plus en plus forte de la politique dans le sport hyper-mondialisé. Aux Jeux olympiques au nom de la défense des droits des homosexuels et des combats indépendantistes des républiques du Caucase. Mais aussi au Mondial de juin si les attentes de la population brésilienne ne sont pas un tant soit peu rencontrées à l’aune des dépenses somptuaires dédiées au roi football. Le terrorisme islamiste continuera aussi à rythmer l’agenda diplomatique, en ex-URSS, au Moyen-Orient ou ailleurs. L’interdiction récente des Frères musulmans en Egypte peut même préfigurer une aggravation du fléau, dans un scénario à l’algérienne. La permanence de la menace interroge en tout cas les réponses données jusqu’à présent à ce défi.

Paradoxalement, c’est aussi de Russie que l’on peut tirer une source d’optimisme bienvenue pour 2014. En s’y réfugiant, l’ex-informaticien de la NSA Edward Snowden a échappé à une justice américaine redoutée plus revancharde qu’équitable, a révélé aux Européens des pratiques délétères des services de renseignement US et a mis en valeur le rôle de lanceur d’alerte que peut endosser aujourd’hui chaque citoyen.

Avec la « numérisation de la solidarité et de l’émotion » que permettent désormais les réseaux sociaux (en dépit de l’intolérance qu’ils amplifient aussi), ce combat pour une transparence et une responsabilité accrues de tous les pouvoirs doit contribuer à un monde moins arbitraire et plus juste.

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