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Bêtisier des lois bancales

La loi gelant les prix du gaz tourne à la confusion. Une de plus au compteur. La loi Salduz fait des vagues, la loi sur les loyers fait un flop, la loi sur les armes en reprend un coup, la future loi sur les malades mentaux pourrait être bonne à jeter, le permis à points s’écrase pour de bon. Le Vif/L’Express a examiné quelques copies. Parfois du travail de potache.

NAVRANT – L’impayable saga Salduz

Le revolver sur la tempe, les élus ont voté le dos au mur. Ordre de la Cour européenne de justice, qui impose la présence d’un avocat dès la première audition d’un suspect par la police.

Depuis, la loi Salduz met le feu. « Jamais une nouvelle loi n’a fait couler autant d’encre », soupirait la ministre de la Justice, Annemie Turtelboom (Open VLD), douze jours à peine après son entrée en vigueur, le 1er janvier dernier.

Terrible pour un parlement d’être forcé de doter l’Etat d’une loi qu’il ne peut se payer, que la machine judiciaire et policière a du mal à supporter et que les avocats francophones et germanophones refusent d’appliquer sans être rémunérés.

Les budgets promis pour encourager les parlementaires à presser sur le bouton de vote sont partis en fumée. Alors, des élus s’effraient des conséquences de leurs actes. Agitent des mots forts : « Cataclysme juridique. » Et puis quoi ?

FRUSTRANT – La « liste noire » dans le brouillard

Aux dernières nouvelles, la partie de ping-pong est toujours en cours. Justice et Finances se renvoient la balle depuis… 2007. L’enjeu : qui doit confectionner la « liste noire » des fabricants impliqués dans le business des mines antipersonnel et des armes à sous-munitions ?

Querelle idiote, dans le premier pays au monde à avoir déclaré la guerre légale aux « armes sales » en interdisant leur financement. « Cette loi ne trouve à s’appliquer qu’à l’étranger. Elle a valeur de symbole », tempère Luc Mampaey, directeur adjoint au Grip. Un symbole inachevé, c’est toujours moche.

DÉSESPÉRANT – Le permis à points jamais au point

Au bout de vingt-deux ans de frigo, tout espoir de le décongeler est définitivement abandonné. 1990, Jean-Luc Dehaene (CD&V) n’est encore que ministre des Communications. Mais déjà prompt à frapper fort. Las : son permis à points n’a jamais dépassé le stade du Moniteur belge.

Ministres et secrétaires d’Etat en charge de la sécurité routière se sont tous cassé les dents sur des obstacles techniques jugés insurmontables du côté de la justice. Le dernier titulaire en date, Melchior Wathelet (CDH), annonce qu’il laisse tomber. Vu les résistances. Et parce qu’avec le recul ce permis à points ne serait pas une si bonne idée que ça.

DÉSOPILANT – Petite boulette au tournant

Bardaf, ce fut l’embardée…. Le bobo vite réparé, le cycliste pourra bel et bien griller un feu quand il tourne à droite à un carrefour. Mais quelle bête erreur de distraction : les parlementaires avaient oublié que les feux de circulation ont priorité sur les panneaux de signalisation autorisant le tourne-à-droite aux vélos. La nouvelle loi entrait en collision avec le Code de la route.

Restait à réparer la bourde. Appelé à la rescousse, le secrétaire d’Etat à la Mobilité Melchior Wathelet (CDH) s’est défilé : « Personnellement, je ne suis pas favorable à cette loi voulue par le Parlement et je ne suis pas responsable de ses imperfections. Le Parlement a commis l’erreur, à lui de la réparer. » Sympa.

AFFLIGEANT – Les locataires de la revue

Affichage obligatoire du loyer et des charges lors de la mise en location d’un bien, régime de garantie locative en faveur des plus démunis. 2007, année faste pour les droits des locataires.

Pari tenu ? On n’en sait trop rien. Un groupe de travail mis sur pied en 2009 pour évaluer la loi n’a pas survécu à la crise politique.

Reste une solide impression : la loi sur les baux à loyer a loupé le coche. Victime de la mauvaise volonté ambiante. De la part des communes qui avaient prévenu le législateur qu’elles feraient la sourde oreille aux appels à sévir en cas d’infraction. De la part des banques qui multiplient les tours de passe-passe pour échapper à leurs obligations.

EMBARRASSANT – Réparée avant d’être appliquée

Là, le Parlement s’est fait peur. Au printemps dernier, il empoigne le bistouri pour empêcher in extremis une loi bâclée de produire de graves effets à propos de la transaction pénale en matière fiscale.

« Voilà sans doute la loi réparatrice la plus rapide jamais adoptée par le Parlement : la loi qu’elle est censée réparer n’est même pas encore publiée au Moniteur belge », ironise Stefaan Van Hecke, député Groen.

CONSTERNANT – Périmée avant d’être appliquée

Les victimes de troubles mentaux en attente de conditions d’internement convenables prendront leur mal en patience. La loi de 2007 qui doit s’en charger subit un nouveau report d’un an. Le quatrième. Toujours la même excuse : la réglementation et la logistique ne suivent pas.

Le Conseil d’Etat s’inquiète de ces dates-limites sans cesse repoussées. « Il est préoccupant qu’un laps de temps excessif sépare l’adoption du texte et son entrée en vigueur. […] Ce qui peut aboutir en définitive à l’élaboration de textes n’entrant jamais en vigueur. » Ou d’emblée démodés. C’est idiot.

PERCUTANT – Des pétoires prises en grippe Que Nordine Amrani ait fait un carnage à l’arme de guerre dans le centre de Liège en décembre dernier a décidé le gouvernement à prendre pour cible des armes à feu de collection qui sont encore en vente libre. Cherchez l’erreur. « On saisit l’occasion de résoudre un réel problème, source d’abus notamment dans les bourses d’armes. Même s’il n’y a pas de rapport direct entre la modification législative et la fusillade de Liège », explique Cédric Visart de Bocarmé, ex-procureur général de Liège et chef de cabinet de la ministre de l’Intérieur Joëlle Milquet (CDH).

« En somme, on s’en prend à la catapulte du gamin pour empêcher de tuer un rhinocéros », décode Christian Panier. Cette énième retouche à la loi sur les armes a fait resurgir de pénibles souvenirs. 2006 : un cafouillage législatif d’envergure, dans la foulée de l’équipée mortelle de Hans Van Themsche à Anvers.

P.HX

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