Bernard Wesphael et sa fille. © BELGA

Bernard Wesphael est acquitté

L’ex-député wallon, jugé pour la mort de son épouse, Véronique Pirotton, a été reconnu non coupable par les jurés de la cour d’Assises de Hainaut, à Mons. C’est le verdict d’une affaire extraordinaire. Et la fin d’une très vieille institution.

Voilà, terminé. Dernier procès à l’ancienne. Le gouvernement Michel n’en veut plus. Les technocrates et les financiers ont eu raison des assises, cette institution fille de la Révolution française, substituant douze citoyens tirés au sort au « gouvernement des juges » qui, sous l’Ancien régime, achetaient leur charge ou en héritaient.

Le procès Wesphael, c’était une cour d’assises à l’ancienne dans le beau palais de justice de Mons, avec son décorum, sa participation des citoyens, ses couloirs d’ennui lorsque les enquêteurs récitent leur enquête en néerlandais, ses rebondissements, ses effets de manche, son suspens final. Et cette alchimie humaine qui fait qu’au bout de trois semaines, les parties se mélangent, se rapprochent, parfois, se sourient. Magistrats, avocats, journalistes, proches des parties et public vont et viennent sur l’esplanade au moment des interruptions de séance (pas une goutte de pluie, c’est la fin de l’été indien) pour téléphoner, manger un sandwich, fumer, prendre l’air, échanger des potins. Tout ce petit monde partage les mêmes évènements, personne n’est étranger à l’autre. La civilité du président, la disponibilité des huissiers d’audience, la rigueur des policiers se conjuguent pour que le vaisseau des assises avance majestueusement vers son port, sans laisser personne à quai.

La décision du jury a eu le temps d’être métabolisée par tous les passagers. Même si on n’est pas d’accord, on sait de science certaine, parce qu’on y était, qu’il y avait des arguments dans un sens ou dans l’autre. Magie du désaccord transfiguré par les plaidoiries et tranché par le peuple souverain. C’est si rare.

L’affaire Wesphael a été rien moins que banale. Un homme politique encore jeune mais déclinant, arrêté loin de sa base liégeoise, à la côte belge, accusé d’avoir tué sa femme, une jolie femme aimant les livres, sur fond d’alcool et d’infidélité. Un huis-clos mortel et sans témoin dans une chambre d’hôtel. Quatre témoins auditifs, un couple anglais et un couple limbourgeois occupant la chambre voisine et celle du dessus ont entendu, ce soir-là, des bruits indicatifs d’une lutte qu’ils supposaient amoureuse mais hard. Le premier examen médical éveille des soupçons d’asphyxie. La chambre et le mari sont en désordre. Un sachet en plastique traîne près du visage de la victime désigné par le mari comme l’instrument du suicide, ainsi que l’alcool et les médicaments.

Sur ces indices relativement minces, la juge d’instruction de Bruges, après s’être concertée avec la procureur générale de Gand, décide de passer outre la qualité de parlementaire de Bernard Wesphael (Parlement wallon, Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles). Sait-on s’il y aurait eu une « affaire Wesphael » sans cette précipitation ? Certes, en cas de « flagrant crime » ou « flagrant délit », l’immunité parlementaire saute. Mais était-ce le cas ici ? Les jurisconsultes se divisent. La Cour de cassation, très critiquée, valide la procédure. Au parlement wallon, ses pairs abandonnent Wesphael en rase campagne. Mais pas ses amis, récoltés sur une base militante depuis plus de vingt ans, partageant combats politiques et aventures privées. Lorsque les idéaux s’effilochent au mur de la réalité politique et qu’il faut faire chaque jour bouillir la marmite, au moins, il reste l’amitié. C’est un peu d’Ecolo qui est venu mourir à Mons, avec son passé libertaire et ses combats généreux. Bernard Wesphael, lui, essayait autre chose : le Mouvement de Gauche. Personne n’y croyait. Deux clans se sont formés au sein de la mouvance verte, puis de l’opinion publique. Les proches de Véronique Pirotton, jusqu’alors discrets, ne supportaient pas qu’on traine celle-ci dans la boue (les tendances suicidaires, l’alcool, la vie sentimentale agitée, la fragilité psychologique), eux qui l’avaient vue déjà tellement abîmée à la morgue. Ils ont répondu sur le même mode : médiatique.

La longue détention préventive de Bernard Wesphael à la prison de Bruges a nourri pendant dix mois un feuilleton qui évitait de se pencher sur le coeur atomique de l’affaire, le huis-clos de la chambre 602 de l’hôtel Mondo, à Ostende, le 31 octobre 2013. Au terme de trois semaines de débat, les jurés ont tranché : acquitté.

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