Gérald Papy

Ben Laden, la lutte continue

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

AL-QAEDA SURVIVRA-T-IL À OUSSAMA BEN LADEN ? Il est illusoire de penser que l’élimination, au Pakistan, par les Navy Seals américains de l’ennemi public n° 1 aura, à elle seule, le pouvoir de réduire la menace terroriste islamiste. Il faut appréhender la mort d’Oussama ben Laden pour ce qu’elle est : non un triomphe de la justice mais une victoire symbolique de la démocratie contre l’obscurantisme.

Au-delà de ce constat, il faut savoir garder raison. Celui que l’on imaginait proprement « insaisissable », dans une grotte des zones tribales et rebelles à la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan, n’était plus le chef opérationnel d’un réseau terroriste qui avait semé la mort d’Aden à Nairobi, avant de frapper à Washington et à New York. Il en était resté l’idéologue. Et à ce titre, il avait réussi à inspirer des brigades de fanatiques qui, jusqu’à Londres et Madrid, avaient traduit son credo nihiliste en perte de vies innocentes. L’idéologue mort, l’idéologie reste. Et donc, le venin terroriste que des « fidèles soldats » se tueront à répandre, avec d’autant plus d’ardeur qu’ils seront animés, dans un premier temps, par un esprit de vengeance. Leur « chant du cygne » ?

La disparition d’Oussama ben Laden n’est qu’une étape dans la longue lutte contre le terrorisme islamiste. Réduire ce fléau impose d’autres armes que l’action militaire et le renseignement, paramètres à la fois indispensables et insuffisants. C’est la force d’un Barack Obama d’avoir tendu la main aux musulmans lors de son discours du Caire en juin 2009, tout en restant déterminé à mener un combat sans merci contre les extrémistes violents, d’avoir distingué une religion qui mérite le respect d’une idéologie fasciste qui doit être combattue.

Au-delà de l’événement de la mort d’Oussama ben Laden, le « printemps arabe » que vivent de nombreux pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient fournit une opportunité pour pousser plus loin les progrès de la lutte antiterroriste. Les jeunes Tunisiens, Egyptiens ou Syriens qui aspirent à la liberté, à la démocratie et au bien-être ont déjà infligé une défaite cuisante aux excités d’Al-Qaeda dans la guerre des idées qui agite aujourd’hui le monde arabo-musulman. L’immolation de Mohamed Bouazizi dans la ville tunisienne de Sidi Bouzid s’est révélée plus efficace pour abattre des régimes dictatoriaux que des années de prêches incendiaires d’Aywan al-Zawahiri. Le pari démocratique n’est pas encore gagné. De Tripoli à Damas, le spectre d’une récupération par des fondamentalistes islamistes n’est pas écarté. Une politique occidentale plus cohérente dans ces pays, excluant le « deux poids, deux mesures » et pérennisant le soutien aux démocrates s’impose avec urgence. Car, aujourd’hui, c’est plus à Deraa (Syrie) ou à Misrata (Libye) qu’à Abbottabad que se joue l’avenir du djihadisme, ce qui ne doit pas exonérer le Prix Nobel de la paix Barack Obama de répondre aux interrogations sur les mystères de la mort de Ben Laden. Déconnecté des réalités quotidiennes, Al-Qaeda a été pris de court par les révoltes arabes. Perdre cette longueur d’avance serait une faute.

GERALD PAPY

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