Olivier Mouton

Belgique: un casque bleu, d’urgence…

Olivier Mouton Journaliste

Les incidents concernant les journées diplomatiques et le tweet-dérapage d’André Flahaut illustrent combien les relations politiques restent tendues en ce début 2016. Un déminage s’impose.

2016 ne sera pas l’année des relations politiques apaisées en Belgique

Et s’il était besoin de le démontrer, ce début de semaine a encore été riche en bras de fer verbaux disgracieux opposant la majorité fédérale et l’opposition francophone. Avec, ironie du sort, la diplomatie belge en otage.

Le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, ne s’attendait sans doute pas à une telle levée de boucliers en organisant les traditionnelles Journées diplomatiques à l’attention de la centaine de représentants de la Belgique à l’étranger. A vrai dire, cette joute annuelle est habituellement un moment de ronron studieux. Certes, les thèmes qui y seront abordés cette année sont sensibles, de la lutte contre le terrorisme à la nécessité de redorer l’image de la Belgique. Mais là où l’opposition est tombée à bras raccourcis sur le vice-Premier, c’est en apprenant que le programme chargé prévoyait une visite à Anvers pour rencontrer le bourgmestre Bart De Wever et y prendre sans doute quelques leçons en matière de radicalité. « On donne du crédit au nationaliste sur la scène internationale alors qu’il tient un discours eurosceptique, c’est sidérant! », s’étrangle Georges Dallemagne. Commentaire des Affaires étrangères, en substance: « C’est la seule invitation que nous avons reçue, nous l’avons acceptée. »

Le clou de ce navrant spectacle survient quand le ministre-président wallon Paul Magnette (PS) souligne qu’il avait lui aussi demandé à pouvoir intervenir à l’occasion de ces Journées. A deux reprises, même, en octobre et novembre. Il lui a été répondu par l’administration que le programme était « trop chargé ». Et le chef de cabinet d’un autre ministre-président socialiste, le Bruxellois Rudi Vervoort, de s’étrangler: « Très très grave! » Didier Reynders précise qu’il n’a pas été informé et ironise, comme d’habitude: l’an prochain, on mettra un bus à disposition des diplomates pour Charleroi.

Et dire que Paul Magnette avait émis le voeu d’avoir des relations plus apaisées avec le MR en 2016…

L’autre incident de cette journée très peu diplomatique a eu lieu sur Twitter. Faisant allusion à l’expression d’un député MR évoquant la nécessité d’interdire la réédition du « Mein Kampf » d’Hitler en français, dans une version encadrée par une analyse critique, le ministre francophone du Budget, André Flahaut (PS), y va de son coup de gueule: « Interdire est sans doute bien mais dénoncer et interdire les propos d’élus de la N-VA serait plus courageux. » Le secrétaire d’Etat nationaliste Theo Francken s’étrangle à son tour: « Etes-vous un démocrate? » Le socialiste retirera son tweet devant la « tournure nauséabonde » prise par les choses, mais en réitérant sa mise en garde à l’égard de la N-VA: « Si les politiques ne tirent pas la sonnette d’alarme, qui le fera? »

Depuis le feu d’artifice annulé de l’An neuf, Bart De Wever et les siens ont il est vrai multiplié les sorties tranchées: fin de la Belgique en 2025 (Homans), reconnaissance de l’indépendance catalane (Jambon), nouvelles économies en sécurité sociale (De Wever), cours de respect pour les étrangers après les agressions de Cologne (Francken)… Des expressions nécessaires pour flatter la base radicale du parti, mais qui nourrissent les peurs légitimes ou les fantasmes opportunistes du côté francophone.

Résultat des courses? Alors que le PS avait promis une opposition plus paisible, il n’en cède pas moins aux provocations parfois outrancières de la N-VA, ce que souhaite précisément la bande à BDW. Ce jeu de rôles nourrit électoralement les deux partis dans leur région – et il n’est un secret pour personne que tous deux ont perdu des plumes dans les sondages en 2015.

Une certitude: cette année, la polarisation du paysage politique générée à marche forcée par la majorité a encore de beaux jours devant elle. Au risque de gripper durablement notre fédéralisme encore adolescent, sans hiérarchie des normes, qui a besoin de coopération comme de pain.

Pour redorer l’image de notre pays, nos diplomates seront peut-être bien inspirés, au retour de leur visite anversoise, de prôner la désignation d’un diplomate belgo-belge. Un casque… bleu.

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