Thierry Fiorilli

Belgique et intégration : virage à droite

Thierry Fiorilli Journaliste

Selon le dernier sondage Dedicated RTBF/La Libre, 20 % des Belges seulement estiment que les populations d’origine étrangère sont bien intégrées dans notre société. Le double considère qu’elles sont mal intégrées (les Flamands davantage que les Wallons et que les Bruxellois) et un sondé sur deux trouve que la Belgique (a) fait pourtant tout ce qu’il fallait/faut pour que l’intégration soit réussie.

De l’enquête, on peut conclure qu’une grosse majorité pense que si cette intégration est si laborieuse, douloureuse, votre inexistante, c’est la faute à ces populations étrangères, pas à la Belgique, pas « à nous ». Par ailleurs, 80 % ressentent une montée inquiétante des radicalismes religieux. Et ceux qui sont les plus inquiets, comme ceux qui sont les plus critiques sur le métissage contemporain, votent plutôt MR, Vlaams Belang, NV-A, FDF et Open-VLD.

Important, ce sondage. Peut-être plus que tous ceux qui fouillent les intentions de vote. Parce qu’ici, on enquête sur le ressenti d’un échantillon représentatif de la population en âge de voter. Sur sa perception de la vie au quotidien, pas sur ses préférences du moment face à une liste de candidats ou de partis. Et donc, on peut mettre des chiffres sur ce qui constitue, avec la recherche d’issues de secours à cette longue et sévère crise socio-économique, une préoccupation majeure d’une grande partie de la population : la peur de l’immigré, singulièrement de celui venu de pays arabes. Cette peur, source et conséquence du rejet de cet étranger-là, de cette communauté étrangère-là, est réelle. On peut répéter pendant des jours et des jours, au fil des pages, des émissions, des discours, qu’il faut la contextualiser, cette peur-rejet, qu’elle escamote les réussites et les enrichissements mutuels liés à l’immigration, qu’elle symbolise une vision réductrice de l’histoire de toutes les sociétés, qu’elle nie une évolution inexorable et appelée à s’accélérer encore (la globalisation galope), qu’elle occulte d’authentiques changements de politiques d’accueils effectués ces dernières années (plus sévères, plus régulées, moins dictées par la seule acceptation du regroupement familial et/ou de toutes les différences culturelles), on peut répéter tout ça, la réalité demeure : parmi ceux qui vont logiquement voter, dans un an, pour être représentés aux parlements fédéral, régional et européen, la peur-rejet guidera et orientera le choix de beaucoup.

A tort ou à raison

Cette peur-rejet incarne aussi le ras-le-bol grandissant, justifié ou non, devant des politiques de tolérances et d’ouvertures nourries aussi par des intérêts beaucoup moins nobles (comme le clientélisme électoral), par un refus de voir les réalités en face (dresser un bilan perplexe de l’intégrité a longtemps équivalu à briser un tabou, alimenter les extrémismes, s’ériger en xénophobe qui tombe le masque), par des comportements angéliques, par, finalement, l’exclusion ou la mise à l’écart, bâillon sur la bouche, de ceux qui pensaient autrement, qui constataient que le fossé grandissait entre autochtones et allochtones. Et qu’il suffirait d’une crise, d’une étincelle, d’un attentat, d’un bouleversement démographique, de tout ça en même temps, pour que, comme toujours, l’inquiétude s’installe, rationnelle ou pas. Et donc le rejet.

Ce sondage annonce dès lors, lui aussi, que le scrutin de mai de l’année prochaine devrait consacrer la droite belge. Flamande, bruxellois et (sans doute) wallonne.

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