Le roi Baudouin et la reine Fabiola sur un yacht pendant des vacances en Espagne. © BELGAIMAGE

Baudouin-Fabiola et Franco : l’idylle démasquée

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Le couple royal et le dictateur entretenaient des liens qui dépassaient le « stade des simples convenances  » pour flirter avec une intrigante  » familiarité ». L’historienne Anne Morelli a exhumé les preuves dans les archives espagnoles. Révélations.

Novembre 1975, un dictateur se meurt. Franco s’éteint, au terme d’une longue agonie. Le décès de celui qui a gouverné l’Espagne d’une main de fer durant trente-cinq ans ne fait pas que des heureux. Jusqu’à Bruxelles, dans l’intimité du château de Laeken, l’heure est au recueillement, à la pensée émue pour le général disparu. Comment tirer un trait sur tant d’années de relations plus que cordiales sans verser une larme ? Comme si le caudillo ne laissait que de bons souvenirs à Baudouin et Fabiola.

Il y a de ces chagrins embarrassants. Le gouvernement de l’époque, dirigé par le CVP Léo Tindemans, a fort à faire pour dissuader le roi des Belges d’aller s’incliner devant la dépouille mortelle de Franco. Il doit aussi se montrer très persuasif pour atténuer le ton des condoléances que le souverain souhaite adresser personnellement à la veuve du général disparu.

Anne Morelli ne craint pas de mettre les pieds dans le plat. L’historienne engagée de l’ULB, la républicaine convaincue, ambitionnait de déchirer le voile pudiquement posé sur les liens que le couple royal n’a cessé d’entretenir avec le dictateur espagnol. Mission accomplie. En 2012, elle livrait au Vif/L’Express (numéro du 13 juillet) les premiers fruits de ses investigations. Son enquête à présent clôturée, la spécialiste de l’histoire des religions, admise à l’éméritat en 2013, persiste et signe. Le titre de son brûlot en fait foi : Fabiola, un pion sur l’échiquier de Franco. Sans point d’interrogation pour maintenir l’ombre d’un doute…

La cinquième reine des Belges, décédée en décembre dernier, ne sort pas grandie de ce dossier à charge. La « reine blanche », tant louée pour sa grande piété, révèle un autre visage. Un autre parcours. Fabiola, c’était aussi « la jeune fille modèle du régime franquiste » issue d’une famille aristocratique espagnole « violemment hostile à la République », qui a su rallier son époux Baudouin aux sympathies qu’elle affichait sans ambiguïté pour le dirigeant espagnol. Fabiola, en ambassadrice de charme, qui oeuvre, naïvement peut-être mais discrètement, au retour en grâce d’une Espagne franquiste mise au ban de la communauté internationale.

Du pain bénit pour le caudillo : Franco n’aurait eu qu’à se féliciter des retombées diplomatiques de la belle histoire d’amour entre l’aristocrate espagnole et le roi des Belges. « De 1960 à 1975, Fabiola jouera, via son influence sur Baudouin, le jeu de Franco. Les époux éprouvaient une grande « affection » pour lui », affirme Anne Morelli.

L’historienne aligne des pièces à conviction. Elles ne sont pas tombées du ciel, encore moins fournies par le Palais royal de Bruxelles qui lui a poliment fermé la porte au nez. C’est en terre natale de Fabiola qu’Anne Morelli les a exhumées : dans les archives espagnoles du Palais royal, des Affaires étrangères et de la noblesse, ainsi que dans les papiers généralement peu accessibles du général Franco. « La moisson fut bonne. »

Des billets au ton affectueux, des messages de remerciement, toutes ces petites marques d’attention mutuelles ont amplement suffi à Anne Morelli pour se faire une religion : Baudouin, Fabiola et Franco, n’en étaient plus au « stade des simples convenances » mais flirtaient avec une vraie « familiarité. » « Le couple royal mange avec le vieux dictateur, séjourne dans une maison de campagne qu’il lui prête, lui rend visite sur son yacht… Le roi des Belges va même jusqu’à signer « Votre affectionné Baudouin » lors d’échanges épistolaires avec le caudillo ! » Edifiant.

Fabiola, un pion sur l’échiquier de Franco, par Anne Morelli, Editions Renaissance du Livre, 82 p.

Les extraits dans Le Vif/L’Express de cette semaine :

– Entre le couple de Laeken et le vieux dictateur, des échanges affectueux

– Royales félicitations au Caudillo pour l’anniversaire de son putsch

– L’Ordre d’Isabelle la Catholique, la décoration chérie de Baudouin

– Baudouin et Fabiola en vacances : Franco aux petits soins

– Le couple royal dans un film de propagande franquiste

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