La reine Elisabeth de Belgique à sa descente d'avion, de retour de Moscou, en 1956. © PHOTO NEWS

Avril 58: le voyage d’Elisabeth de Belgique à Moscou, en plein guerre froide

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Avant le prince Laurent, un autre « électron libre » de la famille royale a irrité et embarrassé le gouvernement belge : la reine mère Elisabeth qui, en pleine guerre froide, se rend dans le bloc de l’Est et en Chine et manifeste sa sympathie pour ces régimes communistes.

Avril 1958. La reine (grand-)mère Elisabeth, alors âgée de 82 ans, se rend à Moscou à bord d’un appareil de la compagnie Aeroflot. Elle s’y fait photographier, devant un buste de Lénine, en compagnie de son vieil ami le maréchal Vorochilov. Cette année-là, le président du présidium du Soviet suprême viendra en personne honorer l’Expo universelle de Bruxelles. Jusqu’à la fin de sa vie, la veuve d’Albert Ier et grand-mère du roi Baudouin manifestera publiquement sa sympathie à l’égard des régimes communistes, au point d’être surnommée par la presse  » la Reine rouge « . Dans son journal intime, retrouvé récemment dans les archives royales, elle écrit noir sur blanc :  » Je suis depuis longtemps communiste. […] Tout, tout, tout sera détruit en Europe, pourvu que le nouvel esprit sorte des cendres, le communisme purifié !  »

En septembre 1961, elle entreprend, contre l’avis du gouvernement belge, un  » voyage d’amitié  » dans la Chine de Mao Zedong. Elle est reçue par le Grand Timonier en personne et par le Premier ministre Zhou Enlai. Lors de l’escale en URSS, elle est invitée au Kremlin et dîne en compagnie de Vorochilov. Au retour, elle passe à nouveau par Moscou. Nikita Khrouchtchev l’emmène, le soir, au Bolchoï et au musée Pouchkine. Elle le trouve  » très bon « . Après un arrêt à Varsovie, elle rentre à Bruxelles. Le Palais demande qu’aucun journaliste ne couvre l’événement. La vieille dame convie pourtant la presse à la rejoindre au château du Stuyvenberg, sa résidence !

La propagande soviétique fait grand cas des visites de la reine au Kremlin

Les déplacements de la reine dans le bloc de l’Est suscitent colère et embarras au sein du gouvernement belge. D’autant que la propagande soviétique fait grand cas de ces relations chaleureuses. A l’époque, les Etats-Unis auraient fait pression sur la Belgique pour que l’illustre animatrice du concours musical international qui porte son nom soit déclarée  » mentalement dérangée « . Son pacifisme généreux est, en tout cas, jugé peu réfléchi en ces temps de guerre froide. A plusieurs reprises, le ministre des Affaires étrangères Paul-Henri Spaak (PSB) se rend au Stuyvenberg pour tenter de la faire renoncer à ses projets imprudents. Peine perdue.

Ces dernières années, un autre insaisissable  » électron libre  » de la famille royale a défrayé la chronique : le prince Laurent, arrière-petit-fils de la reine Elisabeth. Les recadrages et mises en garde du gouvernement au frère cadet du roi Philippe après ses voyages non autorisés se sont révélés vains. Le voilà sanctionné – une réduction de 15 % de sa dotation pendant une année – pour sa participation controversée à une réception organisée à l’occasion du 90e anniversaire de l’armée chinoise. Pour la monarchie, cette sanction financière est une première.

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