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Aux Pays-Bas, Doel 1 et Doel 2 n’auraient pas été prolongés

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Une fondation environnementaliste néerlandaise vient d’appliquer à la prolongation des réacteurs 1 et 2 de la centrale de Doel les critères imposés par les Pays-Bas pour prolonger une de leurs centrales, celle de Borssele, en 2006. Le résultat de l’analyse est implacable : en Hollande, Doel 1 et Doel 2 auraient définitivement fermé après leurs quarante années de service.

Beaucoup, en Flandre en particulier, considèrent nos voisins du nord comme des précurseurs. Des gens un peu comme nous, mais en mieux. Ils ont, soyons honnêtes, raison pour les fromages -surtout à pâte dure, pour les footballeurs -deux finales de Coupe du Monde, une demi-douzaine de Ligues des Champions, pour les polders.

Et puis peut-être bien pour le nucléaire aussi.

En 2006 le gouvernement néerlandais décidait de prolonger une de ses centrales, mise en service en 1973, et dont le terme devait aboutir en 2013. La prolongation, à laquelle se sont opposés les écologistes d’Outre-Moerdijk, porte jusqu’à 2033, soit vingt ans. Elle est assortie d’une convention passée entre les autorités et l’exploitant (EPZ), qui imposait le respect de mesures transparentes de contrôle, appliquées tous les cinq ans par une commission d’experts pluraliste, entre exploitant et autorités. Les principes quinquennaux que doit suivre cette Borssele Benchmark Commissie sont simples : sur quatre critères liés à la sécurité (le systématisme et la variété des systèmes de sécurité, l’étanchéité des structures d’endiguement, l’existence de bunkers, la gestion des accidents graves), la centrale de Borssele doit se trouver, sous peine d’être fermée, parmi les 25% des infrastructures nucléaires les plus sûres du monde occidental (252 centrales d’Europe et d’Amérique du Nord). Chaque réacteur obtient, pour chaque critère, une cote entre un et trois. La centrale la moins sûre du monde s’en sortirait ainsi avec un zéro sur douze, et la plus sûre avec un douze. Celle de Borssele, pour son premier examen, en 2013, s’en est tirée avec un honorable neuf sur douze. Soit un résultat qui la place très confortablement parmi les 10% des centrales nucléaires dont les dispositifs de sécurité sont les plus rigoureux de la planète : sur les 252 installations examinées, soixante à peine obtiennent une note supérieure à la moitié.

Donc, bravo la Hollande.

Et nous ?

La fondation rotterdamoise Laka (« Landelijk Kernenergie Archief, qui milite contre l’énergie nucléaire depuis les années quatre-vingt, mais dont l’expertise est généralement respectée, a appliqué aux réacteurs de Doel 1 et 2 ces critères : les données sont accessibles, notamment sur les sites internet de l’Agence fédérale pour le Contrôle nucléaire et de l’Agence Internationale de l’Energie atomique.

Et le bulletin est médiocre, estiment les examinateurs de Laka.

Avec un point sur le systématisme et la variété des systèmes de sécurité, zéro pour l’existence des bunkers -le bâtiment d’entreposage des emballages des déchets n’est pas bunkerisé à Doel…-, deux points pour les structures d’endiguement, et trois pour la procédure de gestion des accidents graves, la centrale scaldéenne, récemment prolongée pour dix ans, récolte six points sur douze possibles. Soit juste ric-rac la moyenne. Et juste ric-rac en dessous de la marque des 25% des centrales les plus sûres d’Occident. Borssele devra encore y être en 2018, en 2023, en 2028 pour durer jusqu’en 2033. Doel n’y est pas, et ne doit pas y être pour durer jusqu’en 2024. Si elle avait été construite au Nord de l’Escaut, elle aurait donc définitivement fermé en 2014. Ou elle aurait dû solidement revoir ses procédures de sécurité.

Décidément, ces Hollandais sont plus forts que nous.

Jean-Marc Nollet (ECOLO) n’est pas loin de regretter, pour le coup, la révolution de 1830. Il engage, une énième fois, la responsabilité de la ministre fédérale de l’Energie. « Pour contrer les multiples critiques venant notamment des Pays-Bas, la ministre Marghem utilise souvent l’argument que nos voisins ont prolongé de 20 ans leur centrale de Borssele alors que nous n’allons les prolonger que de 10 ans. Mais la ministre cache les critères beaucoup plus stricts utilisés chez eux et le fait que ces critères sont strictement vérifiés tous les 5 ans. Si ces mêmes critères devaient être respectés chez nous, jamais les centrales de Doel 1&2 ne pourraient être prolongées. Ce n’est pas plus compliqué que cela. Mais c’est totalement occulté actuellement dans le débat », dit-il.L’engagement de Laka dans la cause antinucléaire ne doit pas selon lui invalider les conclusions de son enquête. « Je demande à la ministre Marghem de soumettre les centrales de Doel aux critères hollandais et, si elle ne se satisfait pas de l’examen réalisé par LAKA, de faire réaliser ce même examen par des experts internationaux », ajoute-t-il, rappelant que, le onze mars prochain sera commémoré le cinquième anniversaire de la catastrophe de Fukushima, et que « là aussi ils pensaient maîtriser la technologie ».

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