Thierry Fiorilli

Autour d’Armstrong, le bal des traîtres

Thierry Fiorilli Journaliste

La confession de l’ancien cycliste américain (« Oui, je me suis dopé pour obtenir mes sept victoires au Tour de France ») est vécue comme une trahison par le public. Elle doit être aussi considérée comme une remise en cause de la crédibilité et de l’honnêteté d’une majorité d’acteurs du monde du cyclisme, encore présents aujourd’hui. Des journalistes aux organisateurs du Tour, de l’Union cycliste internationale à des stars du vélo, comme Eddy Merckx et Bernard Hinault.

Les tricheries avouées de Lance Armstrong, officielles depuis la nuit de jeudi à vendredi, ne portent pas nécessairement un coup terrible au cyclisme : d’une part, il y a belle lurette que ce sport prend régulièrement crochets et directs, toujours liés au dopage mais sans qu’il ne finisse véritablement K.O. (le peloton repart toujours, les champions se succèdent, les foules s’agglutinent le long de la route, la plupart des médias font caisse de résonnance aux exploits des « forçats de la route ») ; de l’autre, on peut affirmer sans trop de risque de désillusion future qu’aujourd’hui, grâce au renforcement de la lutte anti-dopage, et singulièrement l’introduction du passeport biologique pour tous les coureurs professionnels, le cyclisme est plus propre qu’il ne l’a sans doute jamais été.

Non, les aveux du héros déchu américain équivalent à une décrédibilisation cinglante d’une majorité de protagonistes qui « vivent » du vélo, depuis (au moins) les années Armstrong (1999-2007) : l’Union cycliste internationale, qui a donc vu tomber ses « champions d’exceptions » (outre et avant Armstrong : Ullrich, Pantani, Riis, Landis, Contador, Vinokourov, Rebellin, Museeuw…) sans jamais pouvoir anticiper toutes ces impostures, ces drames ; les organisateurs du Tour de France, en ce compris ceux d’aujourd’hui (et singulièrement Bernard Hinault, lui-même légende de la Grande Boucle, qui fait pratiquement coup de poing dès qu’on lui pose la moindre question sur le dopage), qui ont encensé les tricheurs, qui ont utilisé l’ampleur et l’enthousiasme du public comme uniques arguments pour ne pas avoir à s’attaquer au fléau du dopage ; une majorité de journalistes professionnels dont le cyclisme était (est encore) la spécialité, qui ont applaudi Armstrong, qui ont commis des éditos enflammés, à la gloire du « Boss », qui l’ont protégé, qui ont exclu de leur cercle ceux (du « Monde », de « Libération » notamment) qui remettaient en cause, chiffres et témoignages à l’appui, les performances de l’Américain (et de ses contemporains) ; les consultants, la plupart d’anciens coureurs eux-mêmes (et on pointe en particulier Eddy Merckx, qui n’a jamais cessé de défendre Armstrong, sur antenne – « Incroyable », « Incroyable », « Quel champion ! » – , et de botter en touche chaque fois qu’un cas de dopage éclatait – « On veut salir le vélo », « On fait du mal au cyclisme »), qui n’ont jamais émis le moindre doute, qui ne se prononçaient durement que lorsqu’un vainqueur « tombait » (quand même) pour dopage, qui parlaient tactique et entraînement lorsque seuls l’EPO, la testostérone et les transfusions sanguines expliquaient le triomphe ; les médecins qui ont imaginé les méthodes et administré les produits dopants…

La confession de Lance Armstrong couvre ainsi de honte, on l’espère, ceux qui ont été ses complices, autour du peloton. Et devraient les inciter à renoncer à y occuper encore la moindre fonction. Parce qu’à leur manière, ils ont, eux aussi, menti, triché et trahi.

Thierry Fiorilli

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