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Augmenter l’âge de la pension ? « C’est de la démagogie ! »

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Le socialiste Michel Jadot, ancien patron du SPF Emploi, n’a pas de mots assez durs pour critiquer la mesure annoncée par la suédoise. Jean Hindriks, membre de la commission d’experts sur la réforme des pensions, estime que  » cela ne règle qu’un quart du problème « .

Les négociateurs de la Suédoise ont pris tout le monde par surprise en annonçant ce matin un accord sur l’allongement de l’âge légal de la pension qui passerait à 66 ans en 2025 et à 67 ans en 2030. Un acte de courage politique ? « Oui, c’est un acte de courage, si l’on considère que cela va à l’encontre de ce que la majorité des gens pense, souligne Pierre Verjans, politologue à l’ULg. Mais en disant cela, je ne dis rien de la qualité du geste… »

Précisément. Aux yeux de Michel Jadot, ancien président du SPF Emploi et Travail, ancien président des Mutualités socialistes, sur le fond, ce n’est certainement pas un acte de courage politique. « C’est au contraire de la démagogie, un slogan qui correspond bien à l’air du temps, à l’image du service minimum pour les services publics ou des travaux d’intérêt public pour les chômeurs. Sur le fond, cela ne change rien… ; clame-t-il. Ils reprennent simplement une hypothèse qui a été faite par la commission des experts chargés de préparer la réforme des pensions. Ceux-ci précisaient bien que ce n’était pas scientifiquement prouvé, et à discuter avec les interlocuteurs sociaux. En soi, cette augmentation de l’âge légal n’a aucun sens. »

Jean Hindriks, professeur d’économie politique à l’UCL et membre de cette commission d’experts ayant étudié la réforme des pensions à la demande du gouvernement sortant, est davantage nuancé. « C’est une décision que prennent tous les gouvernements d’Europe, souligne-t-il. Cette mesure s’impose un peu, même si elle est politiquement délicate. Il s’agit au fond d’engager les gouvernements suivants à oeuvre dans cette direction. »

Cela étant, précise-t-il, l’allongement de l’âge légal de la pension « n’est qu’une demi-mesure » qui « ne règle qu’un quart de la question ». « Elle met l’âge légal en phase avec l’augmentation attendue de l’espérance de vie, qui devrait augmenter d’un an dans les dix prochaines années. Cela reste une hypothèse. Mais les trois quarts du problème lié à la difficulté de financer les pensions, ce sont les enfants du baby-boom survenu entre 1945 et 1965 qui arrivent aujourd’hui à la retraite. Chaque année, cela concerne 120.000 personnes. Le déficit de la sécurité sociale, on le creuse dès à présent. »

Le plus important, insistent en choeur Michel Jadot et Jean Hindriks, c’est le travail sur la durée de carrière effective. « C’est le plus juste, aussi, parce que cela permet de tout remettre à plat et de tenir compte des spécificités de la carrière de chacun, des études, des interruptions de carrière, soulignent-ils. La commission des experts proposait, en plus de l’augmentation de l’âge légal, une intensification de l’activation des travailleurs plus âgés et, surtout, une plus grande flexibilité du temps de travail avant le départ à la retraite. Cela permettrait aux gens de travailler plus longtemps tout en préparant leur pension via un mi-temps, par exemple. »

Ce travail de fond, c’est l’urgence, bien plus que la perspective aléatoire d’un allongement de l’âge légal qui ne surviendrait que dans deux ou trois législatures ? « Oui, c’est la priorité, acquiesce Jean Hindriks. Cela étant, l’allongement de l’âge légal, cela se prépare. Il serait impensable que l’on annonce subitement en 2030 que tout le monde doit travailler deux ans de plus, y compris ceux dont la carrière se termine. »

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