Jonathan Dehoust

Au secours, le PS revient ? Sérieusement ?

Jonathan Dehoust Etudiant en sciences politiques à l'UCL

Le 20 mars, Claude Demelenne, essayiste et auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche, publiait une opinion dans laquelle il vantait la stabilité socialiste francophone (malgré les violentes tempêtes traversées) et avançait en dix points pourquoi le parti d’Elio Di Rupo pouvait gagner les prochaines législatives. Revenons sur cinq de ses arguments qui ne tiennent pas la route.

1. Au PS, aucune tête ne dépasse, ou presque.

Dans ce premier point, Monsieur Demelenne nous explique qu’il n’y a pas eu de « coup d’État » (sic) pour renverser Di Rupo de son trône au Boulevard de l’Empereur, malgré les quelques envies d’un Thierry Bodson (FGTB wallonne) ou d’un Jean-Pascal Labille (Solidaris). Certes, il faut le reconnaître, « Elio » reste debout alors qu’une démission semblait logique – son renoncement au poste de bourgmestre à Mons n’ayant rien à voir avec la présidence du parti. Néanmoins, peut-on avancer qu’il n’y a « plus de rebelles ou de francs-tireurs socialistes » ? Que penser de #grouponsnousetdemain qui réclame un PS « plus rouge, plus vert et plus horizontal » ? Ils sont muets, presque absents du débat public, mais n’est-ce pas le signe d’une gronde interne ? Et la retraite de Laurette Onkelinx, ne peut-elle pas être interprétée comme une « tête qui tombe » en pleine tourmente socialiste pour sauver l’Empereur ?

2. La FGTB dans les starting-blocks

Dans ce second point, Monsieur Demelenne rappelle l’histoire d’amour politique qui lie PS et FGTB. Robert Verteneuil, patron du syndicat socialiste, peut être « fier » d’être au PS, mais… est-ce représentatif de l’ensemble des membres, de la base ? Qu’en est-il de la centrale carolo, l’une des plus grandes de l’organisation, qui avait ouvertement appelé à voter PTB lors des élections de 2014 ? Qu’en sera-t-il lors du prochain rendez-vous électoral de 2019 avec les marxistes crédités entre 15 et 20% ? Aussi, que votera la centrale liégeoise, quand nous savons que le PTB réalise ses meilleurs scores dans cet ancien bassin industriel (11,49% des suffrages en 2014) ? Robert Verteneuil a parlé « en sa personne », et non pour tous les syndicalistes rouges, il serait bon de ne pas l’oublier…

3. Un socialisme de proximité

Si je rejoins Claude Demelenne sur l’impossibilité à court-terme de l’effondrement du PS belge, comparé aux partis sociaux-démocrates en Europe, particulièrement en France où elle semble ne plus exister depuis la victoire d’Emmanuel Macron, force est de reconnaître que le « socialisme de proximité » est aussi désormais ancré dans le chef du PTB – piquets de grève compris, ce qui renforce la réponse au deuxième point ci-dessus – et donc que cet argument est irrecevable. En quoi la proximité du PS serait-elle plus forte que la proximité des militants du PTB, omniprésents et hyperactifs ? Dire qu’un bourgmestre peut avoir plus d’autorité qu’un monsieur ou une madame-tout-le-monde, que la parole de l’un vaut mieux que celle de l’autre, c’est faire preuve d’une vision archaïque des rapports politiques.

4. Des socialistes malgré tout un peu plus à gauche

C’est mon point préféré, parce que le plus incroyable. « Le PS au pouvoir, la Sécu n’a pas été saccagée », avance Monsieur Demelenne… La sécurité sociale, intacte après le passage de la tripartite classique menée par Di Rupo ? Que dire alors aux milliers d’exclus du chômage (près de 30.000 rien qu’en 2015) ? Que dire à ces jeunes – souvent diplômés – privés d’allocations d’insertion à partir de 25 ans ? Il s’agit de mesures si violentes – qui touchent surtout des mères de familles monoparentales originaires du Hainaut, terrain électoral de… Di Rupo – qu’on en oublie presque qu’elles ne viennent pas de la « coalition suédoise ». C’est le point le plus incroyable de l’argumentaire de Demelenne parce que Di Rupo lui-même a dit « regretter cette mesure », que « son coeur [saignait] » quand ils pensaient aux victimes tombées dans la précarité… En conclusion, la Sécu a bien été saccagée, de l’aveu même (sincère ou non) de leur président.

5. La diabolisation du PTB

L’essayiste prétend ici que le PTB, malgré son succès (virtuel), n’aurait encore rien vu : le PS, attention, s’apprêterait à « encaisser une campagne de dénigrement qui ne fera l’impasse sur aucun cliché, y compris celui du retour des communistes le couteau entre les dents ». Bien. Certainement. Cela fait partie des campagnes électorales, avec tantôt des perles, tantôt des gamineries ; tantôt des arguments fondés, tantôt de la démagogie. De là à trembler Boulevard Lemonnier ? Je ne pense pas. Le PS échappera-t-il à son tour à une « campagne de dénigrement » du PTB, son principal rival avec ECOLO ? La contre-attaque pourrait être redoutable. Demelenne semble oublier que face aux arguments anticommunistes du PS, les marxistes pourront à leur tour avancer des slogans plaisants aux « fatigués du PS », notamment sur leur politique socioéconomique comme expliqué plus haut et les Publifin et SamuSocial… Les exclus du chômage, les précaires, celles et ceux qui attendaient chez les socialistes un respect de leurs principes, ne sont pas devenus amnésiques le temps d’une législature.

En conclusion, rien n’est joué. La social-démocratie se meurt – malheureusement – en Europe. Le PS échappera peut-être à l’agonie collective. Pour l’instant.

Jonathan DEHOUST

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