Gérald Papy

Au secours des Somaliens

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

LA SOMALIE, ON S’EN FOUT ? UN CONSORTIUM d’associations d’aide humanitaire organise ce samedi 20 août une Journée d’action nationale contre la famine dans la Corne de l’Afrique.

Torpeur estivale ? Lassitude après une actualité prolifique ? Indifférence due à la crise économique ? L’appel à la solidarité ne semble pas émouvoir les foules. Le phénomène, à vrai dire, n’est pas propre à la Belgique. A tel point que le chanteur irlandais Bob Geldof, maître d’oeuvre des concerts Live Aid en 1985 en faveur de l’Ethiopie, s’est cru autorisé à sermonner les gouvernements français et allemand pour leurs contributions « dérisoires, hypocrites et mesquines » à la lutte contre la famine qui frappe depuis juin Djibouti, la Somalie, le Kenya et l’Ethiopie.

Epicentre de la crise actuelle, qui touche plus d’un tiers de sa population, la Somalie cumule les maux. Outre son environnement climatique hostile, elle est quasi dépourvue d’infrastructures étatiques depuis la chute du général Mohammed Siad Barre en janvier 1991. La Somalie a été le théâtre d’interventions de puissances étrangères, Erythrée ou Ethiopie, pour la défense de leurs intérêts régionaux. Elle est agitée depuis quelques années par un fort mouvement islamiste radical, les tribunaux islamiques puis les Shebab, noyauté par des partisans de l’idéologie d’Al-Qaeda.

La Croix-Rouge voit dans la « déstructuration progressive de son agriculture » la véritable cause de la famine actuelle (lire en page 57). Mais c’est l’insécurité récurrente qui a provoqué ce délitement. L’instabilité politique constitue donc bien l’obstacle majeur au développement du pays et la source de sa paupérisation, avec les conséquences dramatiques observées aujourd’hui.

La faute aux Somaliens, bien sûr, incapables de dépasser leurs rivalités claniques et idéologiques pour asseoir un pouvoir fédéral, se prémunir des influences extérieures et protéger leur population. Mais pas seulement. Le Conseil de sécurité des Nations unies conditionne aujourd’hui l’octroi de l’aide internationale à la capacité du gouvernement somalien de transition « à renforcer la sécurité et les services au cours de l’année à venir ». Demande louable et légitime, à ce « détail » près que ce gouvernement a été mis en place… à la fin de l’année 2000 et que, depuis lors, il n’a recueilli que très peu de soutien de la part de la communauté internationale. Faute de disposer des réserves énergétiques de pays comme l’Irak ou le Soudan, voilà le sort que les grandes puissances réservent à des régions déshéritées et marginalisées. Au risque, en terre musulmane, d’en faire de nouveaux Afghanistans.

Secourir la Somalie aujourd’hui en s’assurant de meilleures garanties d’acheminement de l’aide sert très prosaïquement et très égoïstement les intérêts de l’Europe et évitera, peut-être, qu’elle soit forcée d’y mener demain une autre guerre onéreuse. Même si, en soi, la vision des corps décharnés de petits Somaliens devrait suffire à justifier une aide d’urgence, gouvernementale et privée.

GÉRALD PAPY

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