Thierry Fiorilli

« Au PS, on sauve les meubles, pas les idées »

Thierry Fiorilli Journaliste

Ce dimanche 2 juillet, il était prévu que ce soit « la fête des militants PS », aux Lacs de l’Eau d’Heure. Les scandales bruxellois, survenus après les scandales liégeois, ont changé l’affaire. Personne n’a plus vraiment l’esprit aux réjouissances, parmi les camarades.

Et, à Boussu-lez-Walcourt, le motif officiel de rassemblement est devenu la participation à un  » congrès extraordinaire de modification statutaire sur le décumul des mandats « . Une sorte de fête, d’un autre genre, promise aux élus socialistes. Concrètement, le parti doit trancher : interdiction totale de cumuler des mandats effectifs (bourgmestre/échevin/président de CPAS + député, ), oui ou non ? Tout le monde n’est pas sur la même longueur d’onde. Une frange appelle au non-cumul intégral, et illico. Une autre prône le décumul strictement financier : on peut détenir deux mandats, mais on n’est payé que pour celui de parlementaire. Et les camps s’affrontent farouchement.

Une source de divisions supplémentaires, au sein d’une formation en pleine débandade. Et dont la nature est, une nouvelle fois, davantage d’ordre financier que convictionnel. Ce sont les scandales d’argent public perçu dans des intercommunales, des asbl, des comités de secteurs, etc., avec, chaque fois, les socialistes aux premiers rangs pour la distribution, qui ont poussé les uns à plaider pour le décumul. Et c’est l’argent qui incite les autres à s’accrocher au double mandat mais à rétribution unique : entre un traitement de bourgmestre ou échevin d’une petite commune et celui de député, fédéral ou régional, le calcul est vite fait. Dans le contexte général actuel, la victoire des premiers n’évitera pas forcément l’écroulement du PS. Celle des seconds ne ferait que l’accélérer.

L’argent public, les postes de députés, les fauteuils, les habitudes, les coteries sont la glu qui transforme un mouvement politique en syndicat de notables

Parce qu’elle confirmerait qu’aujourd’hui, en Wallonie comme à Bruxelles, beaucoup, beaucoup d’élus du vieux grand parti de gauche mettent en veilleuse, à un moment de leur itinéraire politique, les idéaux qui les ont conduits à s’engager. Sèchement dit : que leur intérêt, personnel, prime. Sur tout le reste : l’égalité, la solidarité, la défense des plus faibles, etc. Et, par ailleurs même en cas de victoire des décumulards intégraux, c’est de ça que le Parti socialiste aura à répondre devant les prochains jugements électoraux : la trahison de ses idées. Le fait de ne pas avoir été à la hauteur de ses discours, sa mission, son histoire.

Exactement ce que reprochait à la droite française, la veille du second tour des législatives, le 17 juin, dans Le Figaro, Renaud Dutreil, ancien ministre de Jacques Chirac devenu l’un des premiers à soutenir Emmanuel Macron. Echantillon :

–  » Restent les intérêts, la vraie glu qui tient ensemble les morceaux épars de la droite française. L’argent public, les postes de députés, les fauteuils, les habitudes, les coteries. Mais cette glu est une bêtise, celle qui transforme un mouvement politique en syndicat de notables. Vous les verrez errer dans les couloirs déserts, étreints par cette seule et terrible angoisse de diva délaissée : et si ma carrière était finie ?  »

–  » Ce dimanche, la droite française sauvera sans doute les meubles. Mais ce ne seront que des meubles, pas des idées, ni des convictions, ni des caractères.  »

On peut remplacer, chaque fois,  » la droite française  » par  » le PS wallon et bruxellois « . En considérant que, l’une comme l’autre, s’est ingénié à organiser méticuleusement sa propre mise à mort. Restent leurs idéaux. Outre-Quiévrain, Macron proclame les avoir rassemblés, ceux de l’une comme ceux de l’autre, dans son mouvement. Qui reprendra, chez nous, ceux de ce parti qui devait faire la fête aux militants, ce 2 juillet, aux Lacs de l’Eau d’Heure ? Et qui pourrait, en fait, s’y suicider.

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