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« Au niveau net, le tax shift rapporte très peu de jobs »

Le tax shift est-il un coup dans le mille ? Interrogé par notre confrère de Knack, l’économiste gantois Gert Peersman émet des réserves.

Grâce au tax shift, on créera 41.500 nouveaux emplois en 2017 et on gardera 35.500 emplois, estime le prestataire de services SD Worx.

Le tax shift du gouvernement Michel devait permettre de créer des emplois. Qu’en est-il ?

Gert Peersman: D’après la Banque Nationale, il y a eu 7.800 emplois en plus; pour la période 2015-2021, cela représente 52.100 emplois supplémentaires en tout. Cependant, le coût du tax shift est élevé : le gouvernement a baissé la cotisation patronale pour la sécurité sociale, alors que d’autres revenus ne l’ont pas tout à fait compensée. En d’autres termes, le tax shift a creusé le trou dans le budget. Du coup, l’état doit économiser davantage, ce qui nous coûtera plus d’emplois. Conclusion : au niveau net, le tax shift rapporte très peu d’emplois.

Le tax shift est une bonne mesure ?

En soi, oui. En principe, il est bon de baisser les impôts sur le travail et de compenser les revenus qu’on perd par d’autres impôts, qui pèsent moins sur notre croissance économique. Je pense aux impôts sur la consommation, à la TVA et à la fortune. Mais nous aurions dû mieux réaliser le tax shift. En premier lieu, nous aurions dû le financer complètement et en deuxième lieu nous aurions dû le cibler encore davantage sur les salaires plus bas. À présent, les personnes hautement qualifiées et les professeurs comme moi profitent du tax shift, alors qu’il ne rapporte presque pas d’emplois supplémentaires. Il a un plus grand effet sur les emplois peu qualifiés.

Sous ce gouvernement fédéral, il y a eu beaucoup d’emplois en plus.

D’après la Banque Nationale, il y a eu 45.000 salariés en plus en 2016. Ajoutez-y les indépendants, et l’emploi global de cette année a augmenté de 59.000 jobs. Et le nombre de chômeurs a baissé de 26.000. Le gouvernement Michel aime sortir ces chiffres, mais la question c’est : est-ce dû à sa politique ? Si on compare la Belgique à d’autres pays européens, il faut conclure que c’est surtout la meilleure conjoncture internationale qui joue un rôle. Dans d’autres pays, on a même créé encore plus de jobs que chez nous.

Que devraient faire le gouvernement actuel et ses successeurs pour créer encore plus d’emplois ?

Peersman: Trois choses. Un: poursuivre le tax shift ciblé sur les salaires bas et sans creuser un nouveau trou dans le budget. Deux : accélérer l’augmentation de l’âge de la pension légale. À présent, cet âge est relevé d’ici 2025 (jusqu’à 66 ans) et 2030 (jusqu’à 67 ans) : c’est beaucoup trop tard. Il faut le relever systématiquement, avec quelques mois par an. Alors, plus de personnes restent au boulot : d’une part, cela crée plus de croissance économique, et donc plus d’emplois : d’autre part, l’état perçoit plus d’impôts et doit consacrer moins de budget aux pensions ; ce qui crée de l’espace budgétaire.

C’est ainsi qu’on aboutit à la troisième mesure: le gouvernement ne doit pas seulement penser aux baisses d’impôts, il doit – grâce à l’espace budgétaire créé – également investir davantage. Par exemple en infrastructure et en recherche et développement, ce qui permet à notre productivité de repartir. Si l’état doit continuer à payer ses factures, et si nous voulons garder et développer notre prospérité, c’est nécessaire.

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