Sandrine et Tanguy, avec le psychothérapeute Thomas d'Ansembourg, touché par leur vibrante humanité. © HATIM KAGHAT POUR LE VIF/L'EXPRESS

Attentats du 22 mars : debout, envers et malgré tout

Le Vif

Durant un an, Laurence van Ruymbeke, journaliste au Vif/L’Express, a accompagné Sandrine et Tanguy, victimes des attentats de Bruxelles. En est né un livre, sous forme de journal de bord des deux rescapés, retraçant « la vie après ça ». La vie, surtout.

Comment on vit, après ? Comment on fait ? C’est comme au fond d’un puits, avec les parois si lisses, et la margelle si loin, là-haut, et on doit les gravir à mains nues ? Ou comme sous un harnais, sur des montagnes russes, et ça monte, doucement, puis ça descend, raide, avec les loopings, les marches arrière brutales, une ascension soudaine encore, et une chute libre de nouveau, et on hurle, ou non, mais on est ballotté, et on est groggy, longtemps ? Comment on vit, après un attentat ? Quand on en a réchappé, sans qu’on y ait laissé une jambe ou un parent. Quand très vite on rentre chez soi, on reprend le travail, l’école, la foule… Comment on fait ? Qu’est-ce qu’on a, vissé à l’âme ? La fureur ? L’effroi ? Une douceur nouvelle ?

Bruxelles, 22 mars 2016, journal de deux victimes, par Laurence Van Ruymbeke, suivi de Vivre après les attentats, par Thomas d'Ansembourg, éd. Renaissance du livre, 160 p.
Bruxelles, 22 mars 2016, journal de deux victimes, par Laurence Van Ruymbeke, suivi de Vivre après les attentats, par Thomas d’Ansembourg, éd. Renaissance du livre, 160 p.© DR

Pour toutes ces questions, tout de suite après les attaques terroristes de Bruxelles, le 22 mars de l’année dernière, Laurence van Ruymbeke a sollicité deux rescapés. Sandrine, qui était dans la rame de métro, station Maelbeek. Et Tanguy, qui devait décoller de Zaventem. L’un et l’autre ont accepté que la journaliste du Vif/L’Express les accompagne tout au long des mois qui ont suivi. Laurence les a écoutés. Elle a recueilli, durant un an, tout ce que Sandrine et Tanguy pouvaient ou voulaient bien confier, partager, libérer. De ces échanges, elle a fait un livre. Bruxelles, 22 mars 2016, publié à La Renaissance du livre. Sous forme de journal de bord. En fait, deux journaux de bord, croisés. Sandrine et Tanguy s’y racontent. Depuis les minutes précédant les attentats jusqu’à aujourd’hui. Les explosions, l’instinct de survie, la peur et la douleur à retardement, l’abîme, la nécessité de se relever, la force inouïe que ça exige, les victoires arrachées, les rechutes, les événements qui influent, même ceux qu’on n’imaginait pas qu’ils influent, le  » statut  » de  » victime « . Tout ça.

Pas sûr qu’on puisse asséner que Sandrine et Tanguy vont bien, aujourd’hui. Mais ils sont debout, c’est certain. Comme le prouve la photo (sur la page de droite) d’Hatim Kaghat, qui a pris le temps de les approcher, avec beaucoup de tact et de retenue, avant de sortir ses objectifs. Et si la route, là, devant, sera encore harassante, elle semble s’ouvrir sur davantage de lumières que de ténèbres. Dans son avant-propos, Laurence van Ruymbeke dépeint ce cheminement ainsi :  » Ces deux-là ne sont pas différents des autres victimes. Ils se battent et se débattent, de toute leur touchante humanité, avec cette surprise que leur a réservée la vie.  » Après avoir lu leur témoignage, puis les avoir rencontrés, le psychothérapeute belge Thomas d’Ansembourg a rédigé une longue postface. Au Vif/L’Express, il confie avoir été touché par  » l’humanité de Sandrine et de Tanguy. Par l’absence complète de haine et de volonté de revanche malgré ce qu’ils ont traversé. C’est comme s’ils savaient d’emblée que ce n’est pas en reproduisant ce que l’on vient de subir que l’on va s’en sortir. Ils cherchent à trouver la solution à leur souffrance par un autre biais. « 

Par le rire, notamment. Ce rire qui, écrit Laurence van Ruymbeke en avant-propos,  » nous aura été, dans ce voyage si particulier, infiniment précieux. Et rire, nous l’avons fait souvent. Un rire d’autodérision et de délivrance.  » Comme lorsque Tanguy avance que, au fond,  » à part un jour, l’année 2016 n’a pas été mauvaise. D’ailleurs, je suis sorti vivant d’un attentat. « 

Un livre en tout point exceptionnel.

Sandrine, 48 ans, mariée, deux enfants. Travaille à Bruxelles dans le secteur associatif. Passagère du métro à Maelbeek, le 22 mars 2016 à 9h11.

Tanguy, 46 ans, marié, un enfant. Professeur en soins infirmiers à Bruxelles. Passager présent à Bruxelles-National le 22 mars à 7h58.

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