Charles Michel et Patrick Dewael © BELGA/Virginie Lefour

Attentats de Bruxelles: fin des travaux de la commission d’enquête parlementaire

La commission d’enquête parlementaire sur les attentats de mars 2016 à Bruxelles a officiellement mis fin à ses travaux jeudi, en présentant une série de recommandations sur la lutte antiterroriste, le fonctionnement des secours ou la pratique de l’islam en Belgique.

Est notamment prôné un renforcement de la présence d’officiers du renseignement (Sûreté de l’Etat) ou de la police belge dans des pays jugés « cruciaux » pour la traque des djihadistes comme la Turquie, selon un document obtenu par l’AFP, synthétisant un rapport d’un millier de pages.

Le rapport, qui s’appuie sur les témoignages de 200 personnes, aborde quelques ratés reprochés aux autorités belges dans la surveillance des djihadistes de la cellule franco-belge qui ont semé la mort à Paris (130 morts le 13 novembre 2015) et Bruxelles (22 morts le 22 mars 2016). Ces attaques ont été en grande partie préparées depuis la Belgique.

« Les services belges ont procédé correctement en ce qui concerne le contrôle d’Abdeslam à la frontière à Cambrai (nord de la France), contrairement à ce que la commission d’enquête française a affirmé », lit-on ainsi dans le document.

Le 14 novembre 2015, Salah Abdeslam, seul survivant des commandos ayant attaqué Paris, avait été contrôlé par des gendarmes français sur l’autoroute avant de franchir la frontière belge.

Lui et ses convoyeurs avaient pu rapidement reprendre la route, et les deux pays voisins s’étaient ensuite reprochés mutuellement une mauvaise transmission d’informations concernant des personnes fichées.

En amont et pendant les enquêtes sur les attentats, « on sait que l’information a beaucoup trop peu circulé, que certaines personnes avaient des informations, que ces informations n’ont pas été prises au sérieux, qu’elles n’ont pas été traitées à temps », a reconnu jeudi sur la chaîne publique RTBF Georges Dallemagne, vice-président de la commission d’enquête.

« Voilà un domaine dans lequel il y aura des avancées substantielles dans les semaines et mois qui viennent », a-t-il assuré.

La commission a aussi examiné à la loupe la pratique de l’islam en Belgique. Le rapport recommande de rompre la concession accordée à l’Arabie saoudite pour la Grande mosquée de Bruxelles et préconise que les imams en exercice apprennent au moins l’une des langues nationales du pays (néerlandais, français et allemand).

Le rapport devait être voté à l’unanimité par les députés réunis en séance plénière à la Chambre (parlement) jeudi soir.

Il souhaite la création d’une commission de suivi pour contrôler la mise en oeuvre des recommandations par le gouvernement.

Le 10 octobre, le Premier ministre Charles Michel avait assuré que son gouvernement « suiv(ai)t attentivement les propositions de la commission d’enquête ». Elles seront analysées « rapidement et minutieusement », avait-il promis en juin.

Coopération, maître-mot de la commission d’enquête

La Chambre a débattu jeudi du volumineux rapport de la commission d’enquête sur les attentats du 22 mars 2016. L’un des maîtres-mots des 939 pages est la coopération des services. Si personne n’a conclu que les attentats auraient pu être évités, certains commissaires ont toutefois reconnu que des occasions avaient été manquées.

Le constat s’applique plus particulièrement au deuxième volet du mandat de la commission, à savoir la façon dont l’architecture de sécurité belge a fait face à la menace terroriste.

« Les services ont tous travaillé dur mais séparément. Jour et nuit. Jusqu’à la limite de l’humain. Mais chacun a trop souvent agi sur son île, et de ce fait des occasions ont été manquées », a expliqué le président Patrick Dewael (Open Vld).

La commission s’est penchée sur trois cas: les frères Abdeslam, les frères El Bakraoui et Oussama Atar.

Le constat est sévère à propos des deux services de renseignement. « Les auditions ont mis en évidence la faiblesse de la position d’information de la Sûreté de l’Etat et des services de renseignement militaire. Je dis faible mais c’est c’est un euphémisme: en réalité, ils ne savaient rien ou presque rien sur la grande majorité des auteurs », a expliqué Laurette Onkelinx (PS).

La commission s’est aussi penchée sur le développement du radicalisme en Belgique. Le MR a posé un regard sévère: « Le radicalisme est un échec de notre politique d’intégration », a lancé Philippe Pivin, dénonçant notamment la frilosité francophone à l’égard des parcours d’intégration. Le cdH a refusé de pointer du doigt la responsabilité d’un gouvernement en particulier. Selon Georges Dallemagne (cdH), le phénomène traduit « l’échec d’une génération » qui a péché par « manque de lucidité ».

Le rapport évoque plusieurs thèmes, dont celui des mosquées ou de l’internet. La nécessité d’une politique de prévention n’est pas oubliée mais celle-ci se heurte aux barrières institutionnelles de la Belgique.

Les recommandations s’adressent au gouvernement. Elles ne sont pas « à prendre ou à laisser », a averti M. Dewael qui en attend la mise en oeuvre « intégrale » La tâche est lourde. « Les nombreuses recommandations dépassent le terme de cette législature et demanderont des accords de coopération avec les autres entités », a fait remarquer Gilles Vanden Burre.

Les différents groupes politiques se sont accordés sur le rapport. « Nous avons tous eu à coeur d’arriver à un consensus. Face au drame, c’est un signal très clair », a souligné le député écologiste.

Le rapport approuvé à la quasi-unanimité

La Chambre a approuvé jeudi en séance plénière le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les attentats du 22 mars 2016 à la quasi-unanimité. Seul le PTB s’est abstenu. Le Vlaams Belang et les députés indépendants Vuye et Wouters ont voté contre.

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