Annemie Turtelboom : « On n’a pas encore digéré l’affaire Dutroux « 

En réponse aux critiques de la population, la ministre de la Justice veut casser le moule des arrondissements judiciaires pour donner plus de responsabilités aux procureurs du roi.

Une partie du monde judiciaire s’inquiète du projet de la ministre de la Justice, Annemie Turtelboom (Open VLD), de réduire le nombre des arrondissements judiciaires de 27 à 12 ou 13, Charleroi bénéficiant d’un statut hybride. Soumis à un feu de critiques (La mauvaise copie de Turtelboom, Le Vif/L’Express du 13 juillet), le texte ne sera probablement pas voté avant les élections communales.

Le Vif/L’Express : Quel est le but de cette réforme de la carte judiciaire ?
AnnemieTurtelboom : Le taux de confiance dans la justice a chuté de 67 à 60 % en cinq ou six ans. Ce n’est pas acceptable. La justice est l’un des trois piliers de notre démocratie. On a besoin d’une réforme qui responsabilise tout le monde sur le plan du management et de l’organisation. On n’a pas encore digéré l’affaire Dutroux.

En quoi la réduction du nombre des arrondissements peut-il servir cette cause ?
On travaille, en 2012, avec des arrondissements créés en 1830. La réforme des polices a fusionné les polices communales qui n’avaient pas une certaine taille critique. Un agrandissement d’échelle est également nécessaire pour la justice. L’accord gouvernemental prévoit de réduire au moins de moitié le nombre des arrondissements judiciaires. Le modèle provincial a été choisi parmi les neuf scénarios qui avaient été élaborés par mon administration. C’est le préalable indispensable à une réorganisation de la justice qui donnera plus de moyens et plus de responsabilités aux chefs de corps, les procureurs du roi. Si le nouveau cadre n’avait pas été posé à l’avance, on risquait le chaos lors de l’introduction de procédures de décentralisation. Concrètement, le chef de corps pourra spécialiser ses magistrats, leur fixer des objectifs en matière d’arriéré par exemple, et les affecter en fonction des besoins du service. Actuellement, c’est impossible dans les petits arrondissements.

Ces procureurs du roi seront-ils obligés de travailler dans le cadre d’une « enveloppe fermée » ?
Le but de la réforme de la justice n’est pas de faire des économies mais d’avoir un meilleur fonctionnement. Les chefs de corps décideront eux-mêmes de leurs priorités. En France, la réforme de la carte judiciaire a fermé des tribunaux d’instance. Les bâtiments sont vides. On ne va pas faire cela en Belgique. Le justiciable pourra toujours se rendre dans son palais de justice. La justice doit être proche du justiciable mais elle doit aussi se moderniser et se spécialiser.

Ne va-t-on pas y perdre en proximité effective ? Exemples tirés de la vie quotidienne : un commerçant d’Aubel va-t-il faire aveu de faillite à Liège ou à Verviers ? Qui établira la liste des curateurs ? Où faudra-t-il introduire les référés ?
Le chef de corps organisera le travail à sa manière.

N’y avait-il pas des chantiers plus fondamentaux ? Un code pénal désuet, le droit du travail inexistant pour les magistrats ? Si on veut avoir une chance d’atteindre ses objectifs, il faut se mettre des priorités. Les miennes sont la réforme de la justice, les prisons et les technologies de l’information et de la communication.

Entretien: Marie-Cécile Royen

Un SPF Justice à la manoeuvre

A l’âge de la retraite, le (toujours) patron du service public fédéral Justice, Alain Bourlet (photo), défend son administration bec et ongle. Une vingtaine de personnes sont affectées à ce qui devrait être une réforme historique de l’ordre judiciaire, « en concertation », insiste Alain Bourlet, avec la magistrature. Parallèlement, ses services introduisent les technologies de l’information à tous les étages. De quoi faire mentir une réputation d’inaltérable conservatisme.

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