Anne-Marie Lizin en 2013. © BELGA

Anne-Marie Lizin, la madame sans-gêne de la politique belge

L’ex-bourgmestre de Huy Anne-Marie Lizin, décédée samedi à l’âge de 66 ans, aura connu un cheminement politique animé aux multiples détours.

Anne-Marie Lizin, c’est un total de trente-et-une années passées sur les bancs du parlement européen, de la Chambre et du Sénat, jusqu’à sa présidence, une première pour une femme parlementaire. Retour sur sa carrière.

Conseillère communale à Huy depuis 1970, Anne-Marie Lizin commence à gravir les échelons en 1973 auprès du Commissaire européen Henri Simonet, alors socialiste. En 1977, elle le suit comme conseillère dans ses nouvelles fonctions de ministre des Affaires étrangères, jusqu’en 1979. Elle devient cette année-là députée au Parlement européen. C’est le début d’une carrière parlementaire qui la conduira en 2004 à la présidence du Sénat.

En 1983, elle fait la ‘Une’ des journaux télévisés, après avoir été interpellée en Algérie sous une fausse identité avec le journaliste Jean-Paul Procureur. Le faux couple entendait ramener en Belgique trois enfants enlevés à leur mère par leur père algérien. C’est le début de la carrière ‘médiatique’ d’Anne-Marie Lizin. En 1988, elle quitte le Parlement européen. Elle est nommée secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, une fonction a priori symbolique qu’elle exercera avec détermination jusqu’en 1992.

Anne-Marie Lizin va jusqu’à s’accrocher avec ses ministres de tutelle. En 1990, en pleine crise du Golfe, elle se soucie du sort des otages belges à Bagdad, en lieu et place du ministre des Affaires étrangères. La même année, elle défend le nucléaire au Pakistan, exprimant une position contraire à celle du gouvernement. Le nucléaire, aux ressources financières florissantes pour la cité mosane dont elle est devenue bourgmestre en 1983, sera l’un des fils rouges de sa carrière politique.

La visite de Guantanamo, son dernier « grand coup »

A Huy, la bourgmestre gère la ville avec autorité pendant 26 ans, lui insufflant une certaine dynamique grâce à une confortable majorité absolue jusqu’aux élections communales de 2006, qui la contraignent à partager le pouvoir, avec le MR. L’étoile de ce personnage politique de premier plan commence à pâlir en 2005 lorsqu’elle s’assied sur une consultation populaire qui lui est nettement défavorable. Mme Lizin se voit reprocher une série de comportements abusifs dans la gestion du Centre hospitalier régional de Huy (CHRH) – accusations dont elle sera blanchie – dans la mise à disposition de personnel communal à des fins électorales ou dans une tentative d’influer la justice depuis le perchoir du Sénat. Sous la pression de l’opposition locale, le PS finit par suspendre puis exclure sa dame de fer. Elle doit dès lors quitter le maïorat en 2009 et devient par ailleurs sénatrice indépendante.

Affaiblie politiquement, Mme Lizin l’est aussi physiquement alors qu’elle se remet d’un triple pontage coronarien. Madame sans-gêne s’éloigne d’un pouvoir qu’elle avait tenté de prendre également au parti socialiste, prenant 17% des voix, l’année de l’intronisation d’Elio Di Rupo au Boulevard de l’Empereur.

Anne-Marie Lizin, c’était aussi l’un des plus beaux carnets d’adresses internationaux du royaume, qui l’amènera à côtoyer les plus grands de ce monde aux quatre coins de la planète, des présidents américains et français aux chefs d’Etats arabes en passant par le Dalaï-Lama. Manquant de peu la présidence de l’Unicef, elle devient vice-présidente de l’assemblée parlementaire de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) pour laquelle elle est chargée de rédiger en 2006 un rapport sur le camp américain de Guantanamo où elle est la première parlementaire au monde à pouvoir se rendre. Ce sera l’un de ses derniers grands coups.

Le 5 mars dernier, la Cour d’appel de Liège la condamnait à une peine d’un an de prison avec sursis, de 1.100 euros d’amende et de cinq années d’inéligibilité dans l’affaire des tracts électoraux distribués par du personnel communal. Le 30 septembre, elle quittait définitivement la vie politique en démissionnant du conseil communal de Huy à la suite du rejet de son pourvoi en cassation. Dans un acte de dernier espoir, elle décidait de se tourner vers la Cour européenne des droits de l’Homme.

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