Christine Laurent

Angle mort

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

ILS NE CROIENT PAS EN ALLAH. ILS DOIVENT DONC MOURIR. Peu importe qu’ils soient là depuis des millénaires. « L’islam est politique ou n’est rien », assénait Khomeiny.

Et les chrétiens, en Irak, en Egypte, au Nigeria et ailleurs, ne sont pas religieusement corrects. Ils sont donc politiquement incorrects. Et ce, malgré les révolutions du « printemps arabe » et la mort d’Oussama ben Laden. « Tolérer les chrétiens d’Orient, c’est les insulter. Ils sont une part de l’arabité. Les chrétiens ont conçu et porté le beau projet de l’unité arabe […]. Ils ont toujours appartenu à la terre qui les a vus naître et grandir, la terre de leurs aïeux, les pays de la Bible […]. Ils sont dans leurs pays et doivent y rester. Leur départ, c’est la fin de notre histoire et le début de toutes les dérives », écrivait en décembre dernier, dans Le Monde, le politologue, directeur du Cermam à Genève, Hasni Abidi.

Sages paroles reçues avec bienveillance par les musulmans modérés et éclairés. Et les radicaux, ceux-là mêmes qui se nourrissent des discours simplistes ânonnés par des extrémistes particulièrement actifs dans certaines mosquées ? Non seulement, ils n’écoutent pas, mais ils n’entendent pas. Ouvrons les yeux ! Si la situation varie selon les pays, les relations interreligieuses dans le monde arabe se sont considérablement dégradées. Les islamistes radicaux ont encore des jours « heureux » devant eux. Y compris en Belgique, si l’on suit le dernier rapport annuel publié par la Sûreté de l’Etat sur ses activités de surveillance intérieure 2010 et qui pointait « l’influence dommageable sur l’intégration des populations d’origine musulmane des salafistes », un mouvement radical dont certains membres encouragent ouvertement les attentats, la lutte armée.

« La démocratie doit respecter la religion et les religions la démocratie », affirme haut et fort dans L’Echo Tony Blair (édition du 7 janvier 2012). Le vent de révolution qui a soufflé il y a tout juste un an sur le monde arabe laisse-t-il augurer de superbes lendemains d’été ou un interminable hiver rigoureux ? « Chose certaine : la religion exerce une influence déterminante sur le dénouement […]. Les problèmes du Moyen-Orient et d’ailleurs ne peuvent être compris sans saisir l’importance de la religion », insiste Blair. Et ce ne sont pas les vieux régimes discrédités ou les nombreux groupes à tendance libérale totalement inorganisés qui feront barrage au fanatisme. « Nombre de gens ouverts d’esprit restent étonnamment passifs devant l’extrémisme religieux », s’inquiète d’ailleurs l’ex-Premier ministre britannique. Avec le risque qu’il s’impose de plus en plus comme le substitut possible aux anciennes idéologies.

Peut-on agir, que faire alors que nous nous sentons si démunis ? Favoriser à tout prix le dialogue interconfessionnel avec les dirigeants modérés de toutes les tendances de l’islam ? Bien sûr. Même si les spécialistes affirment que, malgré une réelle sécularisation des sociétés musulmanes, la politique et la religion restent indéfectiblement liées dans la constitution même des Etats arabes. La dépolitisation de l’islam ? Un v£u pieux. La laïcité à l’européenne ? Un mirage, du moins à court et à moyen termes.

La démocratisation est un processus extrêmement lent et nul doute que le mouvement passera par des phases très difficiles et à l’issue bien incertaine. On est encore bien loin d’une vraie liberté d’expression et de culte. Gardons l’espoir, certes, mais sans naïveté. Le chemin est encore long, très long. Et pour les chrétiens d’Orient, sombre, très sombre.

Christine Laurent

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