Nicolas De Decker

André Flahaut, une certaine idée du flair

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

What’s in a CV ? écrivent les dramaturges qui s’y entendent en royaumes où quelque chose est pourri et où les roses sentent bon, même quand elles sont serrées par un poing socialiste. Alors, prenons le CV de ce monsieur.

Ce monsieur qui a rang de ministre depuis vingt ans, et qui, comme des Paul Hymans, des Pierre Harmel ou des Emile Vandervelde, a pu peser sur une marche du monde qu’il a contemplé de fort haut, et de fort près. Ce monsieur qui a la vision si perçante avait dirigé avant cette vingtaine d’années de ministère l’institut Emile Vandervelde, comme René Evalenko, ou Philippe Moureaux, ou même Anne Poutrain, des très grosses têtes et des politiques fort futés. Avant ça et sans doute pour le mériter, il avait étudié les sciences politiques à l’ULB, comme beaucoup de gens à l’intelligence très épatante, Paul Magnette, Jean-Michel Javaux ou Denis Ducarme par exemple.

Ce monsieur est André Flahaut, ministre du Budget de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il a un CV de tueur tellurique, ce monsieur.

Et pourtant il ne comprend rien à rien. Tellement qu’alors que tous les autres rivalisent de fausses bonnes idées, lui, il a inventé la fausse mauvaise idée. Il voudrait que plus de monde parle bien l’arabe, et c’est une bonne idée. Une bonne idée pour notre société, qui a besoin de beaucoup de monde qui parle bien l’arabe, et une bonne idée pour les étudiants qui l’apprendraient, parce que c’est toujours une bonne idée d’apprendre une langue.

On peut avoir le curriculum d’un monstre mythologique et être malin comme un Tartarin de Brabant wallon

Le problème, c’est qu’on peut avoir le curriculum d’un monstre mythologique et être malin comme un Tartarin de Brabant wallon. Et que, même quand il a de bonnes idées, André Flahaut, il ne comprend pas qu’il est André Flahaut, et que le seul consensus social auquel ses bonnes idées peuvent désormais arriver, c’est de se faire trouver unanimement mauvaises.

C’est ce qui s’est passé avec sa fausse mauvaise idée.

Les électoralistes pour visages pâles, qui sont de loin les plus nombreux, ont crié qu’il faisait de l’électoralisme pour les visages moins pâles, qui sont de loin les moins nombreux. Les électoralistes pour les visages moins pâles ont hurlé qu’ils n’avaient pas besoin de cet électoraliste au visage pâle.

Ce n’était sans doute pas vrai, que c’était de l’électoralisme, mais comme c’était André Flahaut, son parti a perdu des électeurs pâles qui se sont crus délaissés, et des électeurs moins pâles, qui se sont vus assigner. Les racistes l’ont traité d’antiraciste et, chez eux, il n’y a pas pire insulte. Des antiracistes l’ont traité de raciste et chez eux non plus il n’y a pas pire saleté.

Mais il ne comprend pas, malgré ses vingt ans de ministère, malgré sa direction de l’IEV, malgré ses études de science politique à l’ULB, que c’est précisément à cause de ces vingt ans de ministère, de cette direction de l’IEV et de ces études de science politique à l’ULB, qu’une bonne idée qu’il fulmine devient mauvaise. Pas parce qu’elle est mauvaise, mais parce qu’elle est la sienne.

Et que du coup personne ne parlera un meilleur arabe, tant pis pour notre société qui ne le comprendra pas mieux, et tant pis pour les étudiants qui ne l’apprendront pas davantage, rien que parce que cette idée a été la sienne.

Il n’a pas compris, André Flahaut, que dans péremptoire, il y a péremption. Et que l’on ne peut plus prétendre à l’un quand on est arrivé à l’autre.

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