© Reuters

Amrani, tueur isolé : vite dit ?

Avocat de certaines victimes de la tuerie de Liège, Me Alexandre Wilmotte va demander des devoirs d’enquête complémentaires. Les théories complotistes fleurissent sur le Net…

A la rentrée judiciaire, le parquet de Liège devrait enfin communiquer sur les raisons qui ont poussé Nordine Amrani, 30 ans, à lancer des grenades et à tirer sur la foule, le 13 décembre 2011, place Saint-Lambert, à Liège. Bilan : cinq morts, plus l’ « exécution » de la femme d’ouvrage Antonietta Racano dans le garage du libéré conditionnel. Le black-out qui pèse sur l’enquête engendre rumeurs et théories du complot sur le Net. Me Alexandre Wilmotte, avocat des parents de deux victimes, Gabriel Leblond (17 mois) et Laurent Kremer (20 ans), condamne ces dérives et redit sa confiance en la justice.

Le Vif/L’Express : Vous avez obtenu l’accès au dossier répressif. Quels sont vos objectifs ?

Me Alexandre Wilmotte : Premièrement, mes clients veulent avoir une réponse aux questions qu’ils se posent, même si cela doit être terrible pour eux. Ensuite, ils souhaitent que des leçons soient tirées de ce qui s’est passé avant et après les faits, pour que cela puisse servir à d’autres. Je suis admiratif devant tant de dignité et de courage. Ils n’ont pas un mot de haine. Mais leurs questions sont nombreuses. Comment se fait-il que Nordine Amrani, avec son passé judiciaire, se soit retrouvé place Saint-Lambert avec un tel arsenal ? Il faudra être capable d’expliquer sa trajectoire. Ensuite, que peut-on faire pour améliorer le statut des victimes ? Au moment des faits, vous avez une attention colossale de tout le monde, puis plus rien. Une famille en deuil peut avoir repoussé telle aide, totalement débordée par la douleur, mais il faudrait que cette proposition d’aide se renouvelle. On n’écoute pas assez les victimes : elles nécessitent une attention constante.

Ne va-t-on pas assister à un nouveau procès de la justice ?

Quand ce genre de problème survient, la justice est mise au pilori. Cela doit cesser ! La justice n’a pas les moyens des ambitions qu’on lui prête. On parle de la réinsertion des détenus mais chacun sait que le personnel psychosocial des prisons est débordé. Est-ce qu’on va lui donner des moyens supplémentaires ? C’est délicat. Dès lors, adressons plutôt nos critiques au monde politique, avec une volonté constructive. Je suivrai cette affaire avec la plus grande attention, car les victimes que je représente, comme les autres personnes qui souffrent, méritent que l’on s’y attarde pour tenter de dégager des solutions. Cela ne doit pas empêcher tous les acteurs judiciaires, dont l’avocat que je suis, de se remettre en question. Quand un détenu se présente devant un tribunal d’application des peines pour demander une libération conditionnelle, la transparence la plus grande doit jouer pour permettre au tribunal de prendre sa décision en connaissance de cause.

Un article de l’hebdomadaire Ubu Pan a évoqué une piste terroriste qui serait couverte par l’omerta gouvernementale. Qu’en pensez-vous ?

Les victimes qui sont en face de nous ont une très grande dignité. Certains ne devraient pas en profiter pour désinformer. Cet article leur a fait beaucoup de peine. Rendons à la justice ce qui lui est dû : l’affaire a été mise immédiatement à l’instruction et c’était une décision saine, une garantie de transparence. Les parties civiles ont eu accès à l’ensemble du dossier. C’est vrai, je vais solliciter certains devoirs complémentaires. On nous a dit très vite que Nordine Amrani était un tueur isolé. Comment pouvait-on le savoir ? L’enquête n’avait pas encore démarré… Néanmoins, le but de mes clients, qui ne défendent pas une thèse plutôt qu’une autre, est d’aider l’enquête, pas de jeter la suspicion sur la justice.

ENTRETIEN : MARIE-CÉCILE ROYEN

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire