Thierry Fiorilli

Amendes pour incivilités : un aveu d’échec collectif

Thierry Fiorilli Journaliste

C’est ce jeudi que la Chambre doit voter la réforme des sanctions administratives communales, qui va permettre (encourager plutôt) les communes à sanctionner, par amendes interposées (175 euros) les mineurs (14 ans minimum) qui se sont comportés de façon incivile. Ceux qui, donc, « dans la rue », auront tagué un mur, cassé une poubelle, insulté un(e) passant(e), fait trop de bruit la nuit, etc.

Une décision qu’on peut considérer comme logique, puisque la tolérance zéro s’installe à tous les étages publics de nos sociétés, sans aucune discrétion. Aujourd’hui, c’est flagrant, « les gens » en ont de plus en plus assez de ce qu’ils estiment être un « laxisme » que toutes les autorités (politiques, judiciaires, scolaires) ont créé, entretenu et maquillé en « progressisme », en « culture de tous les droits, pour tous ». Face aux grondements de colère de plus en plus larges et de plus en plus bruyants, à une époque où on réagit du tac au tac à la pression de l’opinion publique, alors qu’il a fallu pas loin de deux ans pour former l’actuel gouvernement, que la crise économique et sociale décuple toutes les grognes individuelles et les rassemble en un vaste tohu-bohu, que le politiquement correct agace toujours plus ouvertement, que le métissage de notre environnement débouche sur davantage d’angoisses, de rejets, de ghettos que de liens et d’enrichissements réciproques, il apparaît évident que la seule réaction du gouvernement Di Rupo à ce qui est un authentique sentiment d’insécurité et de ras-le-bol grandissant de la population résidait dans des mesures de sanctions, de sévérité. Comme on décide d’envoyer davantage de policiers dans les rues après un fait-divers violent. Ou qu’on décide de durcir les conditions de libération anticipée après la remise en liberté d’un(e) grand(e) criminel(le).

Cette réforme incarne aussi un aveu d’échec collectif. Malgré les lois, les campagnes de sensibilisation, les débats, les ouvrages pédagogiques, les combats philosophiques, la création d’institutions pour l’égalité des chances, le mieux-vivre ensemble, l’élévation des esprits, la transmission des mémoires, etc., nous voilà arrivés à un constat qui semble daté de Mathusalem : qui casse paie. Point. Et qui vole un oeuf vole un boeuf. Et aussi chacun chez soi et tout ira mieux. Et il faut élever les jeunes à la dure. Et le bâton, c’est quand même bien plus efficace que la carotte. Et la prison à vie (minimum) pour les salauds. Etc.

Les peines alternatives, les travaux d’intérêt public, les centres de protection de la jeunesse, les objectifs de réinsertion, les droits à l’erreur, les remèdes, en amont, pour éliminer l’aigreur et la discrimination, la récidive et le tout répressif, semblent bel et bien appartenir à un modèle de société qu’une immense partie des citoyens (une majorité) rejette ouvertement. Même si cette partie-là est au moins autant responsable de l’échec magistral de ce qui devait être un modèle d’intégration. Entre différentes cultures, ethnies, religions, pratiques, orientations sexuelles et générations. Notamment.

Aujourd’hui, il faut surtout passer à la caisse. On verra si, du coup, demain, on marchera davantage au pas.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire