Thierry Fiorilli

Allemagne-Grèce : le match qui ne changera rien

Thierry Fiorilli Journaliste

Donc, le match de la dette, ce soir. Allemagne-Grèce. A l’Euro (forcément). Donc, le match symbole. Le match sur terrain politique. Merkel contre un peuple exsangue. L’Europe qui gagne et commande contre l’Europe qui a triché et qui paie. La locomotive contre le wagon de queue qui ne va peut-être pas rester dans le convoi, vu qu’il n’est plus sur les rails. Et à Gdansk, en plus, ville symbole, elle aussi, puisque c’est de là que, somme toute, est parti le mouvement qui allait, au bout, contribuer à la fin du bloc communiste.

Tout ça galvanise, semble-t-il, joueurs et supporters grecs. Mais n’altère pas la confiance de la Manschaft et de ses fans.

Honnêtement, c’est le genre de rencontre dont le hasard du calendrier ou du tirage au sort rend l’affiche soudain plus savoureuse. Puisque, sur le papier, le duel, sportivo-sportif, n’est pas le plus sexy : l’un des deux grandissimes favoris de la compétition affronte un invité respectable, mais, même s’il a triomphé en 2004, de façon miraculeuse, a priori beaucoup plus faible. C’est le genre de rencontre qui fait que le football est toujours plus qu’un simple jeu « où 22 types courent derrière un ballon. » La passion qui l’entoure, les tensions, le contexte, l’état d’esprit, les enjeux extra-sportifs, tout ça transforment un simple match en réel événement. Avec au fond du coeur d’une majorité d’observateurs « neutres », l’espoir que les petits Grecs vont mettre la pâtée au colosse teuton.

Bien, bien. Reste que, même si, ce soir, l’équipe de Fernando Santos (sélectionneur portugais de la Grèce) gagne contre celle de Joachim Löw (sélectionneur allemand de l’Allemagne), même si on fait la fête après dans toutes les rues, toutes les îles, tous les ports, tous les bars hellènes, même si on brûle l’effigie d’Angela, même si on clamera que « voilà, il faut nous respecter, on compte en Europe, on a éliminé la grande Allemagne, wéééé », etc, etc, ça ne changera rien. Les décisions européennes pour (tenter de) remettre à flot l’économie grecque ne vont être ni annulées ni modifiées ; les pensions grecques ne seront ni augmentées ni plus rapidement payées ; les diplômes grecs ne vont pas trouver plus facilement un emploi ; les trentenaires Grecs ne vont pas pouvoir quitter le domicile de leurs parents ; la dette ne sera pas remboursée ; les taux d’intérêt ne vont pas baisser ; les caisses de l’Etat ne seront pas renflouées…

Les symboles ont ceci de limité, voire de dangereux, qu’ils grisent et puis vous laissent dans la rigole, avec une gueule de bois monstrueuse. La coupe du monde 1998 décrochée par l’équipe black-blanc-beur française n’a pas empêché le Front national de faire son lit dans l’Hexagone. La Ligue des champions remportée en 1994, 2003 et 2007 par l’AC Milan de Berlusconi n’a pas empêché la faillite de sa gestion du pays. La coupe du monde 1978 gagnée par l’Argentine n’a pas mis fin à la dictature qui y régnait. Et l’histoire footballistico-politique est pleine de ces victoires symboles aux lendemains qui déchantent. Puisque, si un moment de honte est vite passé, un instant de joie, un sentiment de revanche, incarné par un résultat sportif, est encore plus rapidement balayé.

Pour autant, que les Grecs sortent l’Allemagne ce soir, bon sang, quand même!

Parce que même de courte durée, l’euphorie reste plus indiquée que la dépression. Ou qu’une collection de revers.

Thierry Fiorilli

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