Alex Vizorek © Belga - SOPHIE KIP

Alex Vizorek :  » L’extrême droite joue au foot en prenant la balle dans les mains « 

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Les élus belges sont plutôt drôles – même Didier Reynders. Et ils se prennent beaucoup moins au sérieux que les Français – surtout les Ecolos. A gros traits, voilà ce que conclut l’humoriste et comédien Alex Vizorek après quatre ans de chroniques corrosives sur les ondes de la RTBF et de France Inter. Seule l’extrême droite ne le fait pas rire. Du tout…

Le Vif/L’Express : Vous publiez une petite septantaine de vos textes dans Chroniques en Thalys (1) qui relatent autant de rencontres avec des grands du monde politique, économique, culturel ou scientifique. Vous imposez-vous des balises lorsque vous vous adressez à eux ?

Alex Vizorek : J’aime bien la position de l’humoriste qui a le droit de dire aux gens importants ce que d’autres aimeraient peut-être leur dire et que les journalistes, par leur décence, ne disent pas. Ce rôle de fou du roi, je m’y plais. Pour le reste, je n’ai pas envie de me disputer avec ces responsables politiques. Ce sont des gens qui travaillent dur et je les respecte pour cela.

Un humoriste comme vous peut-il définir clairement son positionnement politique ?

Je considère que quand on est un artiste, on a obligatoirement une sensibilité de gauche. Ce qui ne veut pas dire être socialiste, ni qu’on ne peut pas être très critique avec les gens qui pensent défendre une politique de gauche. Je crois que c’est notre devoir de secouer le cocotier et de défendre l’humain. Or, quand on défend l’humain, on a une petite sensibilité de gauche. Je pense même qu’il y a des politiciens de droite et des économistes qui ont une sensibilité de gauche. Cela ne m’empêche pas d’avoir des réflexions de droite quand je reçois un interlocuteur de gauche et inversement. Tout ce que je conchie, c’est l’extrême, particulièrement la droite. Ce que je n’aime pas trop à l’extrême gauche, ce sont les méthodes. Mais sur le fond, quand le PTB dit que ce serait bien de travailler 30 heures/semaine, je ne peux pas trouver ça mal. Mais aller casser la Bourse de Bruxelles pour l’obtenir ne me semble pas une bonne méthode. Pour en revenir à l’extrême droite, je suis très content du cordon sanitaire en Belgique. J’en parle en France pour expliquer que se gargariser, dans les médias, du discours haineux et facile du Front national, ce n’est pas une bonne idée. Les journalistes de France Inter n’imaginent pas ne pas inviter les représentants du Front national à l’antenne. Pour eux, c’est voltairien : ils arguent que c’est par les idées qu’il faut combattre. Je leur réponds que ça fait quarante ans qu’ils essaient… Mais ça, les médias français ne veulent pas l’admettre.

La Belgique n’est pas la France…

Je suis un peu angoissé quand même parce que j’ai entendu que 30 % des Wallons seraient prêts à voter pour Marine Le Pen. Je trouve que ce n’est pas bien de le dire. Cela va décomplexer ceux qui envisagent ce type de choix politique et je n’aime pas qu’on décomplexe. Je trouve que chaque citoyen doit réfléchir avant de poser cet acte-là, qui est un acte de fermeture à l’autre. Que le discours de l’extrême droite soit juste poujadiste, ça me pose un souci. Les frontistes ne respectent pas les règles: l’extrême droite joue au foot en prenant la balle en main. On ne joue pas au foot avec ces gens-là.

Etes-vous plus proches de certains responsables politiques que d’autres ?

Je n’aime pas trop être ami de femmes et d’hommes politiques. Mais il y en a qui sont très sympas: je m’entends bien avec le député wallon Jean-Luc Crucke (MR), qui est rigolo et plutôt de droite, avec Rudi Vervoort (PS), avec les Ecolos, qui sont globalement plus cool, ou avec Céline Fremault (CDH). C’est sûr que quand Alain Destexhe (MR) ou Mischaël Modrikamen (Parti Populaire) sont là, c’est moins fendart… Cela dit, Destexhe a peut-être un rôle démocratique important qui consiste à récupérer, au sein d’un parti démocratique, tous les gens qui seraient prêts à partir vers l’extrême droite. Même si ça m’arrache la gueule de le dire.

(1) Chroniques en Thalys, par Alex Vizorek, illustré par Kroll et Vadot, France Inter – Kero, 320 p.

L’entretien intégral dans Le Vif/L’Express en vente dès ce jeudi

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