Thierry Fiorilli

Albert II, Bellens, Thielemans et la grande braderie de la comm’

Thierry Fiorilli Journaliste

A croire que l’époque des gourous de la communication est révolue. Ou qu’ils oeuvrent ailleurs. Ou qu’ils ont perdu leur pouvoir. En tout cas, ces temps-ci, les exemples se multiplient d’erreurs ou de maladresses en termes de comm’et de méconnaissance totale de la rapidité avec laquelle une information se répand et de l’ampleur qu’elle peut prendre aujourd’hui se multiplient.

Voilà donc un tout frais ex-Roi qui demande à l’Etat de prendre en charge une partie de ses frais, puisqu’il vit désormais sous un nouveau régime (923 000 euros imposables, par an, alors que, sur le Trône, il bénéficiait d’11,5 millions). Une demande faite discrètement, comme en catimini, alors que les sommes octroyées aux membres de la famille royale viennent à peine d’être rabotées, gouvernement et parlement ne pouvant décider autrement vu la pression populaire et médiatique. L’entourage d’Albert II a-t-il réellement imaginé, une seconde, 1) que l’affaire se règlerait sans qu’elle ne filtre, sans tapage, sans servir les intérêts de certains courants politiques, à six mois des élections ? 2) que la démarche allait être perçue comme logique, normale, évidente, après les polémiques sur les fondations de Fabiola et en pleine période d’économies générales ?

Voilà donc le patron de Belgacom, brillant gestionnaire mais dans le collimateur de pratiquement tout le monde, parce qu’il gagne 2,6 millions par an (brut), qui saisit chaque occasion qu’on lui tend (une audition par les députés, une démarche auprès d’un parti, une conférence publique, un petit-déjeuner devant des hommes d’affaires) pour assimiler son employeur (l’Etat) au mieux à un boulet, au pire à un crétin. Qu’il cherche sciemment ou non à se faire licencier (et donc, semble-t-il, à empocher au passage entre 1,6 et 1,8 million d’euros d’indemnités), qu’il ait déjà ou non un poste allègrement rémunéré qui l’attend aux Etats-Unis, qu’il sache ou non qu’un lâchage avant le terme de son mandat aurait des répercussions sans doute défavorables sur le cours de l’action Belgacom, et que le gouvernement n’est pas en état de faire prendre des risques à sa vache à lait, les saillies à répétition de Didier Bellens prouvent qu’il n’y a aucun contrôle de sa parole, fût-elle pertinente (et souvent le cas, mais les hurlements d’indignation couvrent jusqu’à l’occulter l’intérêt de ce qu’il martèle), qu’il discourt d’une même façon en présence ou non de journalistes, qu’il garde la pire posture imaginable aujourd’hui pour un patron, d’une entreprise publique ou privée : celle d’un empereur au-dessus de tout, de tous, à qui tout est permis et tout est dû.

Voilà donc le bourgmestre de la première ville du pays qui démissionne un an après avoir rempilé, à cinq ans de la fin de son mayorat, et en s’étant bien gardé d’en avertir ses (nombreux) électeurs. Et Freddy Thielemans, sans rire, sans embarras, assène qu’il vient de se rendre compte qu’il est trop vieux pour les prochains défis (les élections de 2014, prévues depuis quatre ans…), et que « la beauté du geste, c’est de laisser la place aux jeunes ». Autrement dit : le mayeur de la capitale de l’Europe quitte le navire sans crier gare et voudrait nous faire croire qu’on devrait l’applaudir. Il aurait expliqué que, pour des raisons personnelles, il ne peut plus assumer la tâche mais a besoin de rentrées financières (pour ces mêmes raisons personnelles) que son image, celle de son parti et celle de la classe politique (à un jet de pierre d’un triple scrutin, on le répète, dans un pays où le vote reste obligatoire) n’auraient pas été aussi écornées. Une fois encore.

On aurait pu rajouter dans le lot des derniers couacs d’envergure de communication, la sortie (dans Le Vif/L’Express ) de Jean-Luc Crucke, député wallon MR, pour affirmer qu’une alliance MR/N-VA aurait, sinon une logique certaine une certaine allure, sortie aussitôt contrée par Charles Michel, président du parti de Crucke, qui doit dès lors opérer une courbe rentrante plutôt brouillonne.

De quoi, à nouveau, permettre à Elio Di Rupo et à la N-VA de se frotter les mains, en saisissant chacune de ces occasions pour, soit mouiller les autres formations, voire les envoyer au casse-pipe, soit s’ériger en gardiens du temple inflexibles. Et alimenter, au sein de l’opinion publique ce climat d’antipolitisme. Dont on aime tant rendre les médias responsables.

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