Thierry Fiorilli

Ah ! Les beaux jours !

Thierry Fiorilli Journaliste

Ecoutez ! Le meilleur est presque de retour. On sent déjà sa lumière, qui réchauffe.

C’est un dimanche d’avril, pas top. Ciel abattu. Du balcon, on voit des gens qui forment un long fleuve transi. Mais un garçon a mis des chaussures orange, avec son costume noir. Une fille porte des bas de mille couleurs, et un blouson très jaune. Une brune court voir du cirque, parce que c’est le festival Hopla !, et qu’elle aime bien tout ça, les clowns, les funambules, les yeux brillants et les bouches en oh. Un type dit qu’il a adoré Une semaine avec Marilyn, parce que l’actrice est d’une fraîcheur « qui fait penser au premier amour qu’on a eu ». Une blonde donne des sourires, parce qu’elle conduit une 2CV rouge vif, et elles vont bien ensemble. Un petit raconte, radieux, qu’il a passé un niveau à un jeu Pokémon, sur sa console bleu été méditerranéen.

Un courriel signale que « les beaux jours reviendront, tous à la Garden Party ! ». Il goûte cet apéro dont on n’a jamais su le nom – 1/5 sirop de pamplemousse, 4/5 vin rosé, servir très frais – qu’on prend au sud, à l’heure où le soleil hurle et où fondent les masques, soucis et reproches.

Devant une bière sombre, un monsieur tout chiffonné fait des mouvements de bouche à cause de son dentier et lit, visage collé au papier, un gratuit emporté d’une boulangerie, ce matin. Sur la table d’à côté traîne Comment devenir un optimiste contagieux (épreuves non corrigées, parution le 16 mai 2012), de Shawn Achor. Une dame finit son gâteau avant de replonger dans le livre, un trait de crème sur la lèvre du haut.

Quelqu’un écoute Daniel Darc, et on distingue bien le passage où il chante, voix gonflée de reconnaissance :

« Je suis né en mai,

C’est moi le printemps,

Moi qui rêvais

D’hivers tout blancs. »

On parcourt quelques textos reçus ces derniers temps, et on s’arrête sur celui qui dit « ne jamais dire du mal de soi, les autres s’en chargent ». On pense alors, sans aucune logique, à cette phrase de Coluche : « Vous n’êtes pas responsable de la tête que vous avez, mais vous êtes responsable de la gueule que vous faites. » On lit sur un mur : « Sans possibles, j’étouffe. »

On se surprend à réenvisager la possibilité de militer pour que prenne le pouvoir, une bonne fois, la « compersion », mot aux allures de chevaux de frise mais qui signifie être heureux du bonheur des autres, même si on n’y est pour rien.

Et de ce balcon, là, col relevé parce que le vent mord encore, on ressent, du fond des tripes, que les beaux jours arrivent, mine de rien.

Et que, si ça ne règle rien, ça change tout. Puisque ça pousse à vouloir vivre tout le meilleur. Envers et contre tout. Grain après grain.

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