Gérald Papy

Afrique centrale : où est la Belgique ?

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

C’est paradoxal : la crise économique mondiale a mis en exergue l’enviable croissance d’un continent, l’Afrique (4,5 % selon les projections pour 2012), qui peut se targuer aujourd’hui d’abriter de nouveaux dragons. Avec un taux de croissance de plus de 8 % l’année dernière, le Rwanda suit cette trajectoire, un bilan d’autant plus appréciable que le pays a été ravagé, il y a dix-huit ans, par un génocide qui l’a privé d’un million de ses citoyens.

Applaudi par les opérateurs financiers internationaux, ce redressement spectaculaire est écorné par le soupçon qu’il ait été forgé peu ou prou par l’instabilité chronique entretenue au Congo-Kinshasa. Le Rwanda devrait une partie de sa prospérité aux rapines qu’il a organisées dans les ressources naturelles de l’est de la RDC voisine. L’interventionnisme contemporain de Kigali au Congo remonte à 1996 quand son appui à la rébellion de Laurent-Désiré Kabila aboutit au renversement du maréchal Mobutu. Le Rwanda pouvait alors justifier son action par la menace que, dans l’indifférence de Kinshasa et de la communauté internationale, faisaient peser sur sa pacification les groupes de génocidaires ayant fui le pays des Mille Collines en 1994. Aujourd’hui, Kigali peut difficilement exciper des mêmes arguments alors que ses opposants armés ne constituent plus une menace directe. Or, depuis le mois de mai de cette année, une nouvelle rébellion, le M23, a réveillé les antagonismes latents dans la région et bénéficie d’un soutien du Rwanda qui le nie contre toute évidence, y compris un rapport d’experts de l’ONU. Le souvenir du génocide, avec tout le respect que l’on doit à ses victimes qui souffrent encore de ses séquelles, n’autorise pas le président rwandais Paul Kagame à agir n’importe où, n’importe quand à sa guise.
Prudent, le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders (MR), a d’abord jugé en août que si le Rwanda prétendait ne pas être responsable de la situation en RDC, il devait au moins « être partie » à sa solution. Il a fallu attendre plus de deux mois pour que, emboîtant le pas aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, à la Suède…, Bruxelles annonce la rupture de sa coopération militaire, une initiative symbolique vu l’intensité très relative de ce partenariat. Trop tardive ou trop faible, cette mesure traduit la perte progressive de leadership de la Belgique en Afrique centrale, qu’a encore renforcée l’absence du Premier ministre, Elio Di Rupo, au Sommet de la francophonie en octobre, à Kinshasa. En soi, l’abandon de la politique d’équidistance longtemps prisée par Louis Michel, autre ministre libéral des Affaires étrangères, est défendable, voire souhaitable. Mais en l’occurrence, le Rwanda est loin d’être le seul responsable du fiasco dans l’est du Congo. Renversements d’alliances, incapacité de bâtir une armée loyale, échec de l’intégration des groupes rebelles armés, corruption… : c’est aussi l’échec du président Joseph Kabila que consacre l’insurrection des Tutsi congolais du M23. La Belgique, qui a formé une partie des militaires de l’armée de la RDC, ne s’en est guère émue.

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