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Affaire Galant : le contrat qui n’existe pas

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Formellement, il n’y a aucun contrat qui lie le cabinet de la Mobilité et le bureau d’avocats Clifford-Chance. Ce qui constitue une anomalie en soi. Ce cabinet d’avocats n’apparaît par ailleurs pas comme en pointe sur les matières aéronautiques dont il a la charge, selon les classements de référence.

La décision de la ministre de la Mobilité Jacqueline Galant de suspendre sa collaboration avec le cabinet d’avocats Clifford-Chance se réfère à un contrat… qui n’existe pas en tant que tel. Il n’y a en effet aucun document contractuel qui lie le cabinet de la Mobilité à ce bureau d’avocats, a appris le Vif/L’Express de sources sûres. L’engagement du premier envers le second repose sur un échange de mails, datant de novembre 2014. On y constate qu’il y a clairement accord sur la hauteur des honoraires de ce bureau, fixés à 385 euros/heure (hors TVA), un taux moyen calculé quels que soient l’expérience et l’âge des avocats impliqués. Les missions dévolues y sont aussi succinctement décrites mais il n’y a pas trace de durée pour cette collaboration.

« Dans ce cas, on peut considérer qu’il y a malgré tout un contrat, dont les éléments sont réduits », observe Marie Vastmans, avocate spécialisée en marchés publics pour le bureau Xirius. Déontologiquement, les avocats sont pourtant tenus d’informer leur client des modalités d’exécution du contrat, notamment en précisant le montant des honoraires et les modalités de facturation. On sait qu’en matière de modalités de facturation, rien n’était prévu puisque c’est à la demande insistante de l’administration, a partir d’avril 2015, que la première facture est tombée en septembre 2015, alors que les prestations de Clifford-Chance couraient depuis début novembre 2014.

Que se passe-t-il en cas de suspension de ce type de collaboration ? Elle peut s’opérer pour une durée déterminée ou indéterminée, et les avocats de Clifford sont en droit de facturer les prestations déjà effectuées. Leur paiement n’est toutefois pas assuré. L’Inspection des Finances pourrait en effet estimer qu’il n’y a pas lieu de s’en acquitter. Car si une partie de la jurisprudence considère que l’Etat est engagé, quand bien même le contrat aurait été passé de façon illégale, une autre partie estime que le contrat est frappé de nullité absolue et que l’Etat n’a pas à payer. Il est bien sûr possible d’envisager une solution négociée qui se situerait entre ces deux extrêmes.

Quoiqu’il en soit, il n’est en tous cas pas acquis que Clifford-Chance puisse réclamer des indemnités pour la rupture ou la suspension de contrat : tout client peut en effet rompre sa collaboration avec son avocat quand il le souhaite. A moins que le contrat initialement conclu ne prévoie une durée précise de mission, ce qui n’est pas le cas ici, selon nos informations.

Le cabinet pourrait par contre tenter d’obtenir des indemnités de dédommagement moral, son image étant sérieusement écornée du fait de ce dossier.

Selon le cabinet de référencement Chambers and Partners, spécialisé dans le classement des 180 meilleurs bureaux d’avocats internationaux, Clifford-Chance n’apparaît pas dans les dix premiers dans la catégorie du droit de l’environnement en Belgique. Le cabinet Stibbe, l’autre bureau d’avocats avec lequel collabore, depuis des années, le cabinet de la Mobilité, occupe, lui, la deuxième place. Même situation en droit public belge : le nom de Clifford-Chance n’est pas cité alors que Stibbe occupe la deuxième marche du podium.

Il n’y a qu’en droit européen de la concurrence que le cabinet choisi par la ministre Jacqueline Galant est repris dans le haut du tableau : il y occupe la 11ème place.

Dans le milieu des avocats, on considère Clifford-Chance comme un bon et important cabinet sur le plan international, plutôt spécialisé dans le domaine des fusions et acquisitions d’entreprises.

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