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Acheter un papa belge

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Des jeunes femmes en situation irrégulière font reconnaître leur enfant par un homme âgé afin de se procurer des papiers. Un trafic en plein essor

On les appelle les paternités « blanches » ou « de papiers ». Fictives, elles se multiplieraient, permettant à certains ressortissants étrangers d’obtenir frauduleusement un titre de séjour. « Tout le monde peut reconnaître un enfant qui n’est pas le sien, la seule condition pour ce faire étant que la mère soit d’accord », explique Els Cleemput, porte-parole de la secrétaire d’Etat à l’Asile et à l’Immigration, l’Open VLD Maggie De Block. Il suffit donc de se rendre à l’état civil et de se déclarer père, quel que soit l’âge de l’enfant. Aucune preuve n’est réclamée à ce stade.

Concrètement, cette nouvelle fraude se décline de plusieurs manières. La plus courante, selon l’Office des étrangers, concerne de jeunes mères en situation irrégulière qui achètent un papa belge (ou européen) à leur progéniture – dans le jargon judiciaire, on les appelle les « reconnaisseurs ». « C’est le cas de mères résidant dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile, dans l’attente d’être rapatriées », détaille un rapport du collège des procureurs généraux.

La seconde forme d’abus touche des mères d’origine africaine en situation régulière ou qui ont obtenu la nationalité belge, qui vendent leurs ventres ou leurs enfants à des sans-papiers. Souvent fortuits au départ, ces petits arrangements se transformeraient en nouvelle porte d’entrée en Belgique, voire peu à peu en filière. C’est désormais le moyen le plus sûr d’obtenir directement une carte de séjour quasi imparable et automatique, le parent d’un enfant belge obtenant un titre de séjour définitif au bout de quelques années.

Sans pouvoir chiffrer la fraude, les autorités judiciaires notent une « hausse continue des reconnaissances d’enfants par des pères non biologiques résidant de manière illégale dans le pays ». Tout ne relève pas entièrement de la fraude, mais cette hausse ne ralentit pas. « Il faut mettre cela en lien avec l’efficacité des mesures prises pour lutter contre les mariages et les cohabitations de complaisance : les fausses déclarations de paternité en sont la simple conséquence », relève Nathalie Gobin, substitut du procureur du roi de Liège. Ainsi, au parquet de Bruxelles, on rapporte le cas de ce Belge d’origine congolaise qui a vendu sa paternité à seize mères, pour leur permettre d’obtenir des titres de séjour. Ou, au parquet de Mons, celui d’un homme interpellé après dix reconnaissances d’enfants suspectes. Le forfait se serait négocié entre 2 000 et 5 000 euros, selon l’âge de l’enfant.

L’intégralité du dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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