Pieter-Paul Verhaeghe

Achat d’un logement: « L’état favorise surtout les riches »

Pieter-Paul Verhaeghe Sociologue urbain et membre du think tank Poliargus

« Fiscalement, les propriétaires et les locataires ne sont pas traités de la même façon », écrit Pieter-Paul Verhaeghe de Poliargus. « Cela signifie qu’en matière de logement l’état ne favorise pas uniquement les riches, mais aussi les riches dont les parents sont aussi riches. »

Personne n’aime payer des impôts. Et quitte à le faire, on aimerait au moins que la fiscalité soit équitable. On pourrait discuter des heures sur le sujet, mais il y a au moins deux principes sur lesquels la plupart des gens sont d’accord.

Premièrement, il faut une juste répartition. Ou autrement dit, celui qui gagne plus doit payer plus d’impôts. Et deuxièmement, nous ne devons pas transmettre la facture aux générations suivantes.

Malgré le consensus sur ces principes généraux, on les néglige quand il s’agit de fiscalité de logement. Ce sont les plus jeunes générations et les personnes à revenu faible qui paient les pots cassés.

La plupart des Belges sont propriétaires d’une habitation ou en louent une. Cependant, les propriétaires et les locataires sont traités inégalement sur le plan fiscal. Non seulement les propriétaires bénéficient d’une déduction fiscale – le bonus logement – pour leur éventuel emprunt hypothécaire, mais perçoivent toutes sortes de subsides et de réductions, allant de la prime à la rénovation et à l’amélioration à une réduction de TVA en cas de rénovation. Par contre, le soutien fiscal de locataires se limite à de faibles subsides de location et à une offre très réduite de logements sociaux.

Cette politique de logement favorise l’inégalité. Comme la plupart des propriétaires appartiennent aux catégories de revenus moyens et élevés, ils perçoivent plus d’argent de l’état que les catégories de revenus plus faibles. Une étude récente de l’Institut de Recherche sur le Travail et la Société de la KuLeuven (HIVA) révèle que pas moins de 68% des avantages relatifs au logement aboutissent auprès des 40% de revenus les plus élevés. C’est un exemple dudit effet Matthieu : celui qui a beaucoup, aura encore plus de l’état. Et inversement : celui qui n’a pas grand-chose, aura encore moins. Et la dernière réforme du bonus logement ne risque pas de changer cette situation.

La politique de logement favorise l’inégalité

Inégalité au carré

D’un point de vue méritocratique, on pourrait raisonner que celui qui travaille dur pour pouvoir s’acheter un logement puisse être récompensé par l’état à coup de subsides au logement ou de réductions fiscales. Mais ce n’est pas tout à fait le cas non plus : une étude récente démontre que de plus en plus de personnes sont aidées par leurs parents. Cela signifie que l’état ne favorise pas uniquement les riches, mais en fait aussi les riches dont les parents sont riches. Conclusion : c’est une inégalité au carré.

De plus, le soutien fiscal pour l’achat d’une maison entraîne une hausse des prix de l’immobilier. Beaucoup de ménages achètent une maison trop chère par rapport à leurs revenus parce qu’ils tiennent compte du bonus logement. Du coup, les prix du logement augmentent plus rapidement que leur valeur intrinsèque. Selon les chiffres du SPF Finances, le prix moyen d’une maison a augmenté de pas moins de 258% entre 2000 et 2015. Il devient de plus en plus difficile pour les jeunes générations d’acheter une maison.

Non seulement l’achat d’un logement devient impayable, mais les locataires aussi en pâtissent. Suite à la hausse des prix de l’immobilier, de plus en plus de bailleurs vendent leur maison au lieu de continuer à la louer. Du coup, le marché locatif se rétrécit et il devient plus difficile de louer quelque chose à un prix raisonnable. À nouveau, les jeunes et les catégories de revenus faibles en pâtissent.

Où est le débat politique?

Notre politique de logement fiscale rend le logement de plus en plus impayable. Il va de soi que les jeunes et les catégories de revenus faibles ne doivent pas payer plus d’impôts que les plus âgés ou les catégories de revenus plus élevés. Mais ils sont le dindon de la farce de la répartition très injuste de déductions fiscales et de subsides. Le Belge est né avec une brique dans le ventre, mais la brique pèse de plus en plus lourd.

Il est étonnant qu’il n’y ait pas plus de débats politiques à ce sujet. À l’exception d’un certain nombre d’interventions parlementaires (que personne ne suit) ou de quelques passages dans les programmes électoraux (que personne ne lit), il n’y a pas de débat politique ou sociétal à propos de notre politique de logement. Et cela contrairement à l’étranger, où le logement abordable est un thème important aux élections.

Alors que les quotidiens sont remplis de burkinis et d’autres faits divers religieux, le silence règne sur les questions socio-économiques vraiment importantes pour beaucoup de gens.

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