Thierry Denoël

Accident ferroviaire de Schellebelle : ce n’est pas un hasard…

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Même s’il est tragique, le bilan humain de l’accident ferroviaire de Schellebelle reste limité. On a évité une catastrophe énorme, ce week-end, en Flandre orientale. Mais cette catastrophe se produira bientôt, si l’on ne prend pas des mesures draconiennes pour le transport de matières dangereuses.

En 2009, après le déraillement d’un train à Mons, qui avait coûté la vie à une accompagnatrice de 26 ans, de sombres devins avaient prédit une catastrophe majeure, tant le rail belge souffrait de lacunes en matière de sécurité. Trois mois plus tard, dix-neuf personnes mourraient dans la collision de Buizingen, qui a endeuillé toute la Belgique.

Ce week-end, près de Wetteren, un train de marchandise transportant de l’acrylonitrile (ACN), une substance particulièrement toxique, proche du cyanure, a déraillé. Deux de ses treize wagons ont versé sur le flanc avant d’exploser. Bilan : un sexagénaire est mort dans sa maison proche de l’accident, très probablement intoxiqué par les émanations d’ACN. Une cinquantaine d’autres personnes ont été hospitalisées, dont deux en soins intensifs. Tragique. Mais on est passé à côté d’un drame bien plus grand. Ce qui n’est pas rassurant. Ici encore, de sombres devins annoncent une catastrophe majeure et ils risquent d’avoir raison.

D’après les premiers éléments de l’enquête, le conducteur néerlandais du train en provenance des Pays-Bas roulait trop vite à l’approche d’une zone de travaux (80 à 100 km/h au lieu de 40 km/h), pourtant correctement signalée. Il a ainsi déraillé, comme un bolide sort de route dans un tournant mal négocié. Une erreur humaine donc. Cela dit, l’axe Pays-Bas/Belgique est particulièrement risqué au vu de la fréquence des incidents : 38 sur un total mondial de 83, ces dernières décennies, uniquement pour le transport d’ACN, relève le journal Le Soir. Soit près de la moitié, rien que dans cette zone somme toute réduite. Cela devrait interpeller nos politiques…

En outre, l’accident de Schellebelle intervient tout juste un an après celui de Godinne, qui impliquait un train de marchandises transportant des substances chimiques explosives. Là aussi, une catastrophe avait été évitée de justesse. Les statistiques ne trompent pas. On ne peut plus parler de hasard ni invoquer l’illusion du risque zéro. Le défaut de sécurité est bien réel. Celle-ci est-elle bradée au profit d’une productivité à tout crin ? Question naïve : les convois dangereux, comme celui qui a déraillé samedi, ne devraient-ils pas être accompagnés de deux conducteurs ? Trop cher ?

Le prochain accident coûtera peut-être des dizaines de vies humaines. Faudra-t-il en arriver là pour sécuriser correctement le transport de substances toxiques et explosives, en particulier sur l’axe industriel Rotterdam-Anvers ? Ces convois traversent des zones très habitées. Certes, le rail est de plus en plus privilégié à la route pour le déplacement de produit dangereux, car les wagons sont plus solides que les semi-remorques. Mais, de toute évidence, ils ne sont pas à l’abri de catastrophes. On ne peut se contenter de regarder les accidents se multiplier. A moins de vouloir donner raison aux sombres devins…

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