« À quoi bon avoir des droits sur papier si en pratique on n’est pas aidé? »

Ils ont droit à l’enseignement, aux soins de santé, à un accueil ou à de l’assistance. De quoi se plaignent tous ces gens ? « Du fait qu’en pratique, ils ne peuvent forcer ces droits parce qu’il n’y pas assez d’argent ou de place », écrit notre consoeur de Knack Ann Peuteman. « Et comme la plupart restent non seulement sur la touche, mais ne sont pas repris dans les statistiques, officiellement il n’y a aucun problème ».

Ils s’appellent Natan, Maxx, Léander, Eef, Emile, Laure, Emma, Karen, Jos, Elisabeth, Karim ou Tessa. Et on s’en occupe très bien. Sur papier du moins. Ils ont droit à des cours en enseignement spécial, à un budget pour bénéficier d’assistance à la maison, à une chaise dans un centre de soins de jour, à une consultation auprès d’un spécialiste, à une place dans une école maternelle du quartier, à une chambre dans un centre psychiatrique. C’est du moins ce que disent les lettres qu’ils reçoivent. C’est aussi ce qu’ils entendent des assistants sociaux qui les reçoivent très gentiment, et des services publics et politiques à qui ils s’adressent parfois.

À quoi bon avoir tous ces droits sur papier si c’est pour rester chez soi sans aide, argent ou soutien ?

« Pas de problème, Madame. Tout ira bien, Monsieur. Regardez: notre plan de gestion stipule que vous aurez tout ça », leur répète-t-on chaque fois. Même quand en pratique ce n’est pas le cas. Quand ils n’ont pas de place dans une institution parce qu’il y a trop peu de personnel pour s’occuper de toutes ces invalidités compliquées. Quand il n’y a pas de place pour leur enfant près de chez eux. Quand ils ne reçoivent pas de budget parce qu’il n’y a plus de moyens pour cette année. À quoi bon avoir tous ces droits sur papier si c’est pour rester chez soi sans aide, argent ou soutien ?

Il est clair qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Ou plus précisément : il y a trop peu d’argent pour faire tourner ce système dans le vrai monde. Cela peut arriver évidemment. Mais alors, il faudrait avoir l’honnêteté intellectuelle de l’admettre plutôt que de se cacher derrière des statistiques défaillantes ou un terme de plus en plus creux tel que la socialisation des soins.

Si en tant que journaliste, vous demandez aux services compétents ce qu’ils ont à dire sur l’histoire de ces Natan, Maxx et Elisabeth, on vous promet que la situation va s’améliorer. Si ces gens n’ont pas droit à de l’aide aujourd’hui, ça viendra demain ou après-demain. Généralement, ils vous envoient des passages de plans de gestion.

Ou ils argumentent: « Nous ne pouvons tout de même pas élaborer de systèmes sur mesure pour tous les jeunes, malades ou personnes âgées qui souffrent d’un mélange de toutes sortes de problèmes ? » Une autre réponse particulièrement populaire: « Nous craignons que Madame/Monsieur soit l’exception à la règle. Il n’arrive presque jamais que quelqu’un tombe entre les mailles du filet. »

À quoi bon si vous n’avez aucune idée comment vous allez vous occuper tout seul encore un mois, une semaine, un jour d’un enfant qui ne peut être laissé seul une minute ? Tous ces droits sur papiers ne vous aident pas à vous lever, à vous proposer une thérapie, à résoudre votre crise et à vous apprendre à lire et à écrire. Résultat : un jeune renvoyé d’une institution est obligé de dormir dehors parce qu’il a nulle part où aller.

Le résultat c’est qu’un jeune de dix-huit ans sorti d’une institution meurt dans une tente du domaine provincial du Blaarmeersen.

Le résultat c’est qu’un garçon autiste passe des semaines dans l’infirmerie dans une prison parce qu’aucune institution ne veut de lui. Le résultat c’est qu’une fille est renvoyée de l’école parce qu’elle sèche les cours pour s’occuper de sa maman malade.

La semaine dernière, Knack a publié une interview de trois mères de garçons handicapés obligées de lutter pour leurs droits. Et à côté de nombreux e-mails de parents qui se reconnaissent dans les témoignages, je reçois à nouveau de longues listes d’aides auxquelles ont droit ces femmes et leurs fils. Sur papier. « Vous êtes naïve, Madame », m’écrivait un lecteur anonyme. « Même la meilleure loi ne peut servir tout le monde. Il n’y a aucune société qui peut répondre à tous les besoins. » Probablement pas. Mais ne devrions-nous pas au moins essayer sincèrement ? Au nom de la civilisation, par exemple.

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