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A la RTBF, l’histoire au gré des vents dominants

José Gotovitch
José Gotovitch Professeur honoraire de l’ULB - Ancien directeur du CEGES

J’ai déjà pu mesurer lors d’autres émissions l’incompétence historique de la présentatrice de « Retour aux sources » émission vespérale de la RTBF. Il est loin le temps où cette Télévision de service public disposait d’une  » équipe histoire  » active, inventive et compétente.

Il est loin le temps des « 14-18 » de Henri Mordant, des productions de Jacques Cogniaux, Michel Franssen, Philippe Dasnoy…Loin aussi le temps où Marianne Sluszny piochait avec intelligence et savoir-faire dans les archives de la maison..

Or ici le boulot est réduit au minimum : interroger des « experts » sur une émission achetée, de préférence la plus glamour, la plus « commerciale possible, par exemple les productions Apocalypse…

Au moins pourrait-on espérer que notre préposée à cet exercice ait compris le sujet qu’elle entend faire aborder par ses invités. J’ignore qui lui a fourni la fiche nécessaire à l’interrogation sur ce courageux documentaire sur la grève de mai 1941 en Belgique et en France. Courageux, voire téméraire, car évoquer aujourd’hui le rôle essentiel du parti communiste dans cet immense mouvement social bravant la chape nazie qui pesait sur la Belgique et la France relève du courage, voire de l’inconscience.

Aussi fallait-il désamorcer quelque peu l’impact des images. Dès lors notre « responsable histoire » entendait-elle déplacer le fond même de l’épisode en affirmant froidement « le noeud de l’affaire c’est le pacte germano-soviétique » !

Evacuées la situation sociale, l’exploitation ouvrière, la faim, la peur, la répression, effacés la solidarité ouvrière, les liens reconstitués dans les entreprises, les grèves annonciatrices de novembre 1940, de janvier 1941, la manifestation anti rexiste à Liège de janvier 1941, la presse clandestine dont de nombreuses feuilles communistes dans les entreprises de la région.

Non, pour notre présentatrice, cela n’est que folklore puisque le pacte germano-soviétique réduit ces actes et mouvements hostiles à l’occupant en un chant d’amour entre le Reich et les ouvriers communistes de Cockeril, des charbonnages, etc.

Notre néo historienne n’a pas regardé son calendrier : mai vient avant juin : les grèves et la répression se développent avant la rupture de ce pacte soi-disant protecteur. Le problème c’est que le mouvement social, la « grève des 100.000 » embrase tout le bassin industriel et si l’on suit les certitudes de notre experte sur « le noeud de l’affaire », le PC aurait dû le freiner pour respecter le fameux pacte, toujours en vigueur. Or ne voilà-t il pas qu’il souffle sur les braises, ses militants l’étendent, en prennent la tête en certains lieux, l’exaltent de toute la force de leurs moyens clandestins. Le mouvement est exactement contemporain des appels explicites des PCF et PCB qui clamaient « pas un homme, pas un sou, pas un gramme de vivres pour l’occupant » et lançaient l’idée d’un Front National en France et du Front de l’Indépendance en Belgique .

Très bravement, notre présentatrice assume le rôle qu’on ( ?) et les vents dominants lui font jouer : désamorcer la sympathie qui pourrait naître envers ces damnés de l’histoire ».

Le pacte germano-soviétique a imposé en 1939-1940 des erreurs graves de perspective et d’orientation aux partis communistes d’Europe occidentale. Ils les ont payées de l’isolement et de la répression. Mais précisément l’action sociale lancée dès la fin 1940 en Belgique par le PCB , avait entamé le processus de sortie de l’isolement, la reconstitution de certains liens, l’amorce d’actions qui impliquaient la confrontation directe avec l’occupant. Arrêté en juillet 1940, l’un des tout premiers internés de Breendonk s’appelait René Dillen, un dirigeant communiste.

Notre néo historienne a également insisté sur le tabou, l’ignorance pesant sur ces événements, aidée en cela d’ailleurs par une introduction quelque peu commerciale des réalisatrices du documentaire. Or tant en France qu’en Belgique, la lumière a été faite dans des articles et livres, pas uniquement « savants » car précisément répercutés par….. les émissions RTBF Jours de guerre et les ouvrages grand public qui les accompagnaient, édités par le Crédit communal !

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