Christine Laurent

A côté de la plaque

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

HEUREUX HELVÈTES ! ILS N’ONT MÊME PAS BESOIN de bouger le petit doigt pour que des flots d’euros se déversent sur leurs têtes. Ces derniers mois, en effet, les réfugiés fiscaux se bousculent sur les bords du lac Léman.

En tête, les Français, effrayés par la « sombre » perspective d’une victoire de François Hollande à la présidentielle de mai prochain. Pas touche à mon portefeuille ! Les temps sont durs et les socialistes risquent bien de leur faire les poches. N’ont-ils pas menacé de les taxer à 75 %, sans parler d’autres intentions voilées, alors qu’ils pourraient couler des jours heureux bien au chaud à l’ombre des montagnes suisses ? Pas question de revivre un remake de 1981, quand François Mitterrand s’était emparé de l’Elysée. Un cauchemar qui hante encore leur sommeil.

Mais il n’y a pas que nos voisins qui se précipitent à Heidiland. Sur la pointe des pieds, dans la plus grande discrétion, de nombreux Belges prennent en effet la poudre d’escampette, les mallettes garnies de leurs précieuses économies. Les agents immobiliers du pays de Guillaume Tell se frottent les mains, les prix explosent. Normal, l’offre peine à satisfaire la demande. Tout bénéfice pour le business ! On ne parlera même pas des banques et des gestionnaires de fortune, ils croulent sous les sollicitations.

Pourtant, à ce jour, pas de menace réelle sur le capital dans notre pays. A peine quelques mesurettes d’un gouvernement papillon en quête d’euros et susceptible de détrousser quelques bas de laine, mais pas nécessairement les plus dodus. Mais avec toutes ces révisions budgétaires qui se multiplient, de quoi demain sera-t-il donc fait ?

Moraliser, réguler, partager les sacrifices, un sacré défi. Notre Belgique est patraque. Et nos politiques sont devenus de véritables experts dans l’exercice de la râpe à fromage. Un petit coup par-ci, un petit coup par-là, à ce rythme, on va se retrouver très vite à l’os ! Et le risque est grand de mettre à côté de la plaque. Juré, promis, pourtant, personne n’est épargné, ce sera du sang et des larmes pour tous. Enfin pour tous… sauf pour ceux qui passent à travers les mailles du filet. Comment justifier l’évasion fiscale quand elle est injustifiable ? Les mots ne seront jamais assez durs pour fustiger cette vraie délinquance. Mais comment stopper des flux insaisissables, surtout quand on sait que l’Etat manque cruellement de moyens ? Reste donc à solliciter les classes moyennes, celles qui subissent déjà un taux d’imposition maximum sur le travail et récoltent un bien maigre « return » pour leur épargne, les intérêts proposés « généreusement » par les banques renflouées récemment par les contribuables ou le dernier emprunt d’Etat ne couvrant même pas l’inflation. « Prendre aux pauvres pour donner aux pauvres », selon l’expression de François Bayrou. De fait, le moral des moins bien nantis, mais pas nécessairement nécessiteux, est au plus bas, si l’on en croit les derniers sondages. Nulle lueur d’espoir à l’horizon. Surtout quand on sait qu’au bout du chemin d’un « dur labeur » (quand on a la chance d’en avoir encore un), la récompense sera des retraites en capilotade. Mais pour se redoper le moral, on pourra toujours aller faire une petite virée en Suisse. En camping-car, s’entend.

CHRISTINE LAURENT

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