Le prince Charles aux côtés du général de Gaulle, en visite à Bruxelles en octobre 1945. © GETTY IMAGES

22 octobre 1947, le jour où le Prince Charles ne s’est pas rendu à Paris

Depuis des mois, les autorités belges étaient dans l’embarras. Elles avaient tenté de reporter le déplacement. L’avaient entouré de mille précautions. Avaient même fixé quelques conditions. Elles n’avaient pourtant pu s’y opposer. Mais ce 22 octobre, Paris décide d’annuler la visite du prince Charles. A Bruxelles, l’annonce est diversement appréciée.

L’invitation avait été lancée dès février. Vincent Auriol vient alors d’être élu président de la République française. En écho à la visite rendue par le général de Gaulle à Bruxelles en octobre 1945, le nouveau chef de l’Etat souhaite inviter le régent à Paris. C’est que les Français ont le sens de la politesse. Ils veulent aussi renforcer l’amitié franco-belge.

Sauf que cette invitation tombe très mal. Pour deux raisons. Rappelons tout d’abord que la Belgique est en pleine Question royale. Tandis que Léopold III patiente en Suisse, le pays se divise sur son sort. Et son frère assure la permanence. Mais quelles sont ses véritables prérogatives ? Peut-il se comporter comme un chef d’Etat, et notamment rencontrer des homologues étrangers ? A priori, oui. En même temps, Charles sait qu’en se montrant trop sur le devant de la scène, il risque de crisper les léopoldistes et de diviser encore un peu plus le pays.

Deuxième élément : l’invitation est lancée par… la France. Or, n’est-ce pas un Premier ministre français – Paul Reynaud en l’occurrence – qui, en 1940, a qualifié Léopold III de  » roi félon  » ? Les léopoldistes ne l’ont pas oublié. Depuis, ils n’éprouvent plus pour Paris beaucoup de sympathie.

Après avoir obtenu le report de l’invitation, le gouvernement belge finit par l’accepter. En août, les dates sont arrêtées : le voyage aura lieu du 28 au 31 octobre. Dans la foulée, l’information est diffusée dans la presse. La Libre Belgique se montre particulièrement remontée : pour elle, un tel déplacement est  » inconcevable « . Le PSC, lui, est mal pris. Venant de rejoindre le gouvernement, il n’a rien eu à dire dans l’organisation du séjour. Et il est trop tard pour l’annuler. Par les canaux diplomatiques, il obtient toutefois la promesse qu’Auriol rende hommage à l’  » héroïque et loyale  » armée belge. En septembre, François-Xavier van der Straten-Waillet, le président du Parti social-chrétien, tente encore de dissuader Charles d’effectuer le déplacement.  » Le régent, avec son changement de caractère, a pris la chose assez mal « , observe le secrétaire du prince.  » Il a vertement répondu à van der Straten que le PSC ne devait pas compter sur Lui pour le tirer de difficultés et qu’Il avait l’intention de faire le voyage ; qu’au surplus, s’il continuait à l’ennuyer, ce serait plutôt Lui qui partirait.  »

Coup de théâtre. Le 22 octobre, le gouvernement français demande l’ajournement du déplacement. Les raisons ne sont pas très claires : des facteurs internes sont évoqués. Les divisions belgo-belges ont-elles aussi joué ? Peut-être. Quoi qu’il en soit, sans coup férir, les léopoldistes ont vaincu. Ils savourent leur victoire. Quant à Charles, jamais il ne rendra de visite officielle à Paris.

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