Gérald Papy

2015, le retour du courage ?

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Inaugurer 2015 par une poussée d’instabilité politique en Grèce, quand on sait le rôle joué par le pays creuset de la démocratie dans la crise européenne de la dette, n’est pas le meilleur présage d’une année de sérénité et de renaissance.

Après 2008, 2015 ? L’Europe serait-elle vouée à subir ce cycle maléfique qui, depuis un quart de siècle, distille une grande déflagration économico-financière tous les sept ans ? En économie comme en politique, il n’y a pas de fatalité qui vaille. Quelle qu’en soit l’issue, la campagne électorale qui s’ouvre à Athènes, avec le pouvoir de psychose qu’elle génère dans toute l’Europe, aura au moins pour vertu de questionner, par la voie démocratique, la politique d’austérité budgétaire à laquelle l’Union européenne s’accroche en dépit des mises en garde de plus en plus pressantes d’éminents économistes. Ne cédons pas à la sinistrose qui a trop imprégné 2014. Deux actualités des derniers jours de l’année écoulée invitent, malgré leur gravité, à l’optimisme.

En dressant le diagnostic des « maladies » de la Curie (lire page 52), le pape François a franchi une nouvelle étape dans la démarche faite d’audace et de questionnement qu’il mène, depuis son élection, pour revivifier une Eglise catholique sclérosée, en Europe en tout cas. « Une Curie qui n’essaie pas de s’améliorer est un corps malade…, a-t-il asséné. C’est la maladie […] de ceux qui deviennent maîtres et qui se sentent supérieurs à tout le monde et ne sont pas au service de tous. » Qui osera prétendre que le saint des saints du Vatican n’avait pas besoin de ce rappel aux bienfaits de l’humilité ? Il fallait pourtant une bonne dose de courage pour secouer de la sorte une institution aussi puissante. François l’a eu et n’a pas fini d’en subir les conséquences. Le courage n’est pas sans risque. Un autre acteur en a fait la démonstration fin 2014.

Le bonheur, ce sentiment global que notre vie vaut la peine d’être vécue

La Belgique ne mesure sans doute pas encore à sa juste valeur le privilège qu’elle a eu, depuis l’affaire Julie et Mélissa, de connaître des parents d’enfants martyrs aussi dignes et aussi étrangers au sentiment de vengeance. Hassan Jarfi, père du jeune Ihsane assassiné une nuit d’avril 2012 par des voyous homophobes, n’a pas dérogé à cette tradition de respect des institutions. « Ces gens qui croyaient avoir le pouvoir savent maintenant qu’il y a un pouvoir supérieur au leur. C’est le pouvoir de la justice et de la société tout entière », a-t-il commenté à l’annonce du verdict. Dignité encore donc pour cet ancien professeur de religion islamique fondateur – parce que « se taire, c’est être complice » – d’une association de lutte contre l’homophobie en dépit des critiques auxquelles il sait s’exposer de la part de certains de ses coreligionnaires.

Pépites trop rares dans un monde de violence, les attitudes du pape François et d’Hassan Jarfi redonnent espoir en l’être humain, en sa capacité à influer sur le cours des choses, et démontrent que l’audace et le courage peuvent payer. Pour que leurs exemples inspirent les hommes politiques en 2015, on leur soumettra opportunément la définition que le chercheur belge en psychologie des émotions Ilios Kotsou donne du bonheur dans le dossier qui fait la Une du Vif/L’Express cette semaine : « Ce sentiment global que notre vie vaut la peine d’être vécue. »

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