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2014, première année-vérité pour le roi Philippe

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Début de règne sans gros nuages pour Philippe, qui connaîtra son premier vrai test de roi après les élections de mai 2014.

C’est en 2014 que Philippe connaîtra son premier véritable test de roi : la formation du nouveau gouvernement fédéral, après les élections de mai. La question est déjà sur toutes les lèvres : que se passera-t-il si Bart De Wever, président de la N-VA, remporte une large victoire lors du scrutin ? Le roi pourra-t-il et voudra-t-il dialoguer et collaborer avec un leader politique qui remet ouvertement en cause la monarchie et l’existence de la Belgique ? Des politologues et éditorialistes flamands incitent Philippe à rester prudent, pour éviter une crise institutionnelle. Il a, suggèrent-ils, intérêt à ne pas s’exposer, à rester politiquement au-dessus de la mêlée.

Avant même son accession au trône, beaucoup, dans le monde politique, ne cachaient pas leurs appréhensions. Le roi Philippe n’allait-il pas se montrer trop rigide, nostalgique de la Belgique selon « saint » Baudouin ? Allait-il accepter la nouvelle réalité institutionnelle ou tenterait-il de freiner l’évolution fédérale (ou confédérale) de la Belgique ? Sur ce plan, depuis son discours du trône, prestation qualifiée de « réussie » par tous les commentateurs politiques, Philippe donne des gages : il fait volontiers référence à la sixième réforme de l’Etat et au transfert de nouvelles compétences vers les entités fédérées ; et il accorde des audiences aux ministres-présidents.

Philippe a, de longue date, confié à des proches qu’il n’était pas opposé à la régionalisation, qu’il y voit même une richesse pour le pays. Il estime toutefois qu’à l’étranger, les entités belges doivent parler d’une seule voix. « Sinon c’en est fini de la Belgique, on n’existera plus », assurait-il dès novembre 2004, lors d’une mission économique en Chine. En veine de confidence, le prince se présentait comme « un dur, un méchant ». Et prévenait : « Des partis comme le Vlaams Belang, qui veulent détruire notre pays, auront affaire à moi. » Le Belang et la N-VA réagiront avec colère aux déclarations de Shanghai. Le Premier ministre Guy Verhofstadt rappellera le prince à l’ordre et le roi Albert passera un savon à son fils, accusé d’avoir commis une imprudence politique préjudiciable au pouvoir royal. A l’époque, seul Elio Di Rupo, alors président du PS, défendra fermement le prince, estimant qu’il a eu le courage de dire ce que pensent beaucoup de démocrates. Un soutien à la monarchie et à la personne de Philippe que le roi n’a pas dû oublier.

De Wever, plus rigide que le roi

Aujourd’hui, Philippe fait son devoir de souverain : il reçoit, entre autres chefs des partis, Bart De Wever, comme le faisait d’ailleurs Albert II. Le leader de la N-VA s’est, de son côté, montré peu hospitalier, presque grossier lors de la Joyeuse Entrée du couple royal à Anvers. Du coup, il est apparu, avec sa cravate noire ornée de lions jaunes, comme plus rigide que Philippe. Car le roi, lui, est resté serein dans les villes de Flandre : il n’a montré aucun sentiment d’hostilité à l’égard des manifestants anti-Belges présents, qui ont pu s’exprimer. A Louvain, Hasselt, Anvers ou Bruges, les séparatistes scandant « België barst » ou « Vlaanderen Republiek » ont été tenus à distance, mais n’ont pas été embarqués par les forces de l’ordre.
Jusqu’ici, le roi n’a eu à poser aucun geste politique. Il n’a dû assumer qu’une fonction de représentation. La transition a donc pu s’accomplir en douceur. De plus, Philippe évite tout propos politiquement sensible. Mais il n’en pense pas moins. En témoignent ses discours ponctués systématiquement d’un « Vive la Belgique ! ». Nul doute qu’il a savouré ses premiers mois de règne sans instabilité politique et marqués par un regain de ferveur nationale. Les folles semaines de belgitude, rythmées par Stromae, la qualification des Diables Rouges pour le Brésil et l’attribution du prix Nobel de physique au Bruxellois François Englert, n’ont pas dû lui déplaire.

Van Daele, chef cab’ discret

Philippe, qui s’est toujours décrit comme « un passionné », « un enthousiaste », n’a qu’un seul désir : bien faire. D’où sa tendance à ne pas supporter les critiques qu’il ne comprend pas. Après vingt ans d’attente aux pieds du trône, le souverain de 53 ans veut monter qu’il est capable de travailler dur et de s’adapter à l’évolution du pays. A cet égard, ceux qu’il reçoit en audience se disent positivement surpris : le roi connaît ses dossiers et reste seul avec ses interlocuteurs, même si son chef de cabinet, le diplomate retraité Frans Van Daele (CD&V), prépare soigneusement les entretiens.

Les sondages auront rassuré Philippe : huit Belges sur dix lui feraient confiance. Même en Flandre, sa popularité a grimpé d’au moins 10%. Mieux : la plupart des commentateurs de l’actualité royale lui ont attribué un sans-faute au terme des onze Joyeuses Entrées. Les turbulences autour des dotations princières, des fondations de la reine Fabiola et des frasques du prince Laurent avaient passablement écorné l’image de la monarchie. Le palais a pris la mesure de ces polémiques : le climat familial est apaisé, les rangs sont resserrés, au moins entre frères et soeur.

Ainsi, Philippe félicite Astrid du bon déroulement de la mission économique en Angola et en Afrique du Sud, qu’elle a présidée. Elle a dirigé ensuite la plus importante mission économique jamais menée en Inde et elle conduira, en 2014, d’autres missions, même si Philippe ne lui a pas cédé son titre de président d’honneur de l’Agence pour le commerce extérieur (ACE). De même, Laurent, réhabilité, est intégré dans le dispositif global du palais : à l’occasion, il remplace le roi lors de sorties officielles. Parallèlement, la communication du palais, devient plus proactive.

La reine Mathilde reste néanmoins l’atout charme de la monarchie. Elle reçoit en audience au palais de Bruxelles, où on lui a installé un bureau, voisin de celui du roi. Elle s’y rend presque chaque jour, alors que le reine Paola y mettait les pieds très rarement. Mathilde prononce des discours, assume des missions spécifiques en Belgique ou à l’étranger, et apparaît très à l’aise. Mais, plus que jamais, elle observe scrupuleusement la consigne : ne pas faire de l’ombre à son mari !

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