Christine Laurent

2011, l’année de l’envie

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Au bout du rouleau, au bout d’une époque. La vieille Europe s’essouffle. Elle peine, elle peine. Trop de confort, trop de domination, trop d’arrogance, trop de nombrilisme aussi. Jusqu’à en oublier, au fil des siècles, qu’elle était aussi redevable aux autres.

A l’Inde, par exemple, pour les mathématiques et pour notre système numérique, à la Chine pour son apport technologique et scientifique (imprimerie, papier, fer…), aux Arabes pour la transmission et le perfectionnement du savoir des Grecs. Demain, même à 27, 30, ou 40, elle pèsera de moins en moins, c’est sûr, face au monde nouveau qui déboule à grande vitesse. Et qui nous oblige à en saisir le courant, à nous élargir. A toucher à tout. « Get Up, Stand Up ! » Oui, il s’agit bien de se réveiller. Dans tous les domaines. La réalité est sans appel. Quand on sait que l’Inde forme pas moins de 10 000 ingénieurs en électronique par an et que la Chine, de moins en moins atelier du monde, entend bien régner dans les plus hautes technologies… Sans oublier l’impatience du Brésil, de l’Indonésie… Les émergents nous immergent ! Notre moteur toussote, même s’il ronronne encore. Il est grand temps de se bouger !

Surmonter la peur liée à la modernité, à l’inconnu, accepter le bouleversement civilisationnel pour mieux le dépasser, refuser les vieilles certitudes, les dogmes usés, les croyances d’un autre temps… L’aventure ne fait que commencer. Elle est passionnante. Comment réaffirmer nos valeurs, les adapter à notre époque ? Et quelles valeurs ? L’enjeu est « colossal », les solutions encore bien floues. Il en faudra des tâtonnements, des égarements sans doute aussi pour retomber sur ses pattes. Un voyage mystérieux qui demande de la volonté, de l’enthousiasme si on ne veut pas que le futur nous échappe. Promouvoir l’émancipation de chacun dans la solidarité, réduire les inégalités par l’entraide, neutraliser le développement vertigineux de l’individualisme pour le canaliser vers l’autre, les autres, le tout sans s’ensabler dans l’épreuve, quelle ambition ! Surtout dans un climat qui a vu, depuis les années 1980, le consommateur se substituer au citoyen, l’égoïsme chasser la réflexion, les loisirs s’imposer face au travail.

Par quel bout commencer ? Comment changer nos « sociétés à l’ambiance infantilisante » dénoncées par le linguiste italien Raffaele Simone ( Le Monstre doux , Gallimard) ? Un air du temps que l’on respire sans toujours en être conscient, et qui détourne l’attention des vrais problèmes au seul profit d’une droite que Simone voit triomphante et décomplexée face à une gauche à genoux, incapable de remettre en cause les conservatismes du passé. Une gauche qui a fait cadeau à la droite d’un certain nombre de sujets tels que l’immigration, l’islamisation, la consommation, la révolution digitale, autant d’enjeux majeurs qui peuvent modifier en profondeur notre cadre traditionnel. Avec, pour conséquence, la survivance d’Etats providence hébétés qui s’essoufflent à trouver des solutions crédibles et durables. Pas simple la démocratie, la vraie, privilège précaire de la civilisation.

Mais quand l’Europe s’éveillera… Elle trouvera tout naturellement sa place dans une mondialisation qui accueille, qui bouscule. Pas celle de la cupidité, du repli, de la communautarisation, de la « sainte ignorance ». Mais une mondialisation de l’ouverture, de l’amour du savoir, de la tolérance. Avec une Europe qui a retrouvé, enfin, l’envie.

Christine Laurent

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