Le pavillon soviétique de l'Expo. © ULLSTEIN BILD/GETTY IMAGES

1958-2018, d’une guerre froide à l’autre

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

En 1958, l’arrière-fond politique de l’Expo est une guerre froide à peine édulcorée par une amorce de détente. Soixante ans plus tard, un froid polaire se réinstalle entre la Russie et l’Occident. L’histoire se répète ?

En 1958, l’arrière-fond politique de l’Expo est  » une guerre froide à peine édulcorée par la détente qui s’amorce timidement « , note l’historien Arnaud Bozzini, directeur des expositions au Musée d’art et du design de l’Atomium (Adam). Alors que l’Expo 58 exalte une humanité en progrès qui tend vers la paix universelle, le dégel entre les deux superpuissances n’est qu’apparent.  » Leur jeu consiste à se confronter sans s’affronter vraiment, sinon dans des conflits d’influence « , constate France Debray, auteure d’ Expo 58. Le grand tournant (La Renaissance du livre, 2017). Les signes d’apaisement n’empêchent ni la partition de Berlin, ni les affrontements larvaires, ni l’irrésistible ascension de l’armement nucléaire. Il faut de l’audace pour organiser une exposition universelle en espérant qu’il n’y ait pas de conflit majeur pendant les six mois que dure la fête. Par chance, l’Expo du Heysel est dans l’oeil du cyclone de la guerre froide, entre deux périodes de glaciation.

Soixante ans plus tard, un froid polaire se réinstalle entre Moscou et l’Occident à la suite de l’empoisonnement, au Royaume-Uni, d’un ancien agent double russe et de sa fille. Londres impute à la Russie la responsabilité de cette tentative de meurtre et a expulsé 23 diplomates russes. En solidarité avec leur allié britannique, nombre d’autres pays occidentaux, dont la Belgique, lui ont emboîté le pas. En représailles, Moscou a pris des mesures similaires. Au total, plus de 150 diplomates ont été expulsés de part et d’autre, une vague d’une ampleur jamais vue. Pour autant, Jens Stoltenberg, le patron de l’Alliance, assure, pour la énième fois depuis deux ans, que l’Otan  » ne veut pas d’un retour à la guerre froide et à la course aux armements « .

Il est vrai que la météo géopolitique n’a cessé de se dégrader ces dernières années et a atteint aujourd’hui un niveau critique. Pour briser ce que Moscou considère comme une stratégie d’encerclement de l’Otan à son encontre, Poutine a multiplié les occasions de conflit depuis 2006 : coupures de gaz à l’Ukraine et soutien aux sécessionnistes russophones ; cyberattaques contre l’Estonie, l’Ukraine et les intérêts vitaux occidentaux ; remise au pas de la Géorgie ; annexion de la Crimée… A cette stratégie de la tension orchestrée délibérément s’ajoutent les provocations répétées de bombardiers russes, qui frôlent l’espace aérien de pays européens de l’Otan.

Reste que le budget militaire américain est, aujourd’hui, dix fois plus élevé que celui de la Russie, devenue une puissance pauvre. Et que, depuis la chute de l’Union soviétique, l’arme nucléaire n’est plus aussi centrale dans la doctrine militaire russe.  » Au total, le faisceau de ressentiments russes traduit d’avantage une tentation de repli et un malaise face à une accélération de l’histoire qu’une ambition pour l’hégémonie mondiale « , estime Jean-Michel Demetz, auteur de La Guerre froide : chronique d’une longue peur, 1947-1991 (Presses de la cité, 2017).  » Le retour à cette période d’hyperaffrontement des modèles politiques, économiques, culturels, militaires et de terreur permanente que fut la guerre froide serait illusoire.  »

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