La rencontre de Berchtesgaden avec le Fürher : un rendez-vous fatal pour Léopold III. © COLLECTION CEGES - BRUXELLES - 164012

19 novembre 1940 : Quand Léopold III serrait la main d’Hitler

Il y a des rencontres qui marquent une vie. Et que, tel un boulet, on traîne parfois jusqu’à la fin de ses jours. Quand Léopold III rencontre Hitler, il sait sans doute qu’il prend un risque. Mais il n’a probablement pas conscience qu’il est en train de poser l’un des actes les plus marquants de son règne.

Et l’un de ceux qui lui seront fatals. A l’entame de la Seconde Guerre mondiale, la popularité du souverain est énorme. Alors que la Belgique a capitulé devant les forces ennemies et que le gouvernement s’est dispersé dans l’exil, le roi apparaît comme le roc dans la tempête. D’une manière pratiquement inédite dans l’histoire de la monarchie, les Belges font preuve d’un attachement viscéral envers leur souverain. Ils compatissent à ses malheurs, louent son sens du devoir, se sentent rassurés par sa présence. Surtout, ils lui sont gré d’avoir signé la capitulation – et d’avoir ainsi préservé le sang de la patrie. Alors qu’un conflit se dessine déjà entre le chef de l’Etat et ses ministres, c’est clairement du premier que les Belges prennent le parti.

Prisonnier, le roi ne peut régner. C’est du moins la théorie. Mais les attentes des Belges sont énormes. Et Léopold III lui-même se laisse tenter. Quelques provinces ne pourraient-elles pas être soustraites au régime d’occupation, et confiées à la souveraineté royale ? L’idée fait son chemin. Dès juin 1940, le monarque exprime d’ailleurs le désir de rencontrer Hitler pour lui faire part de ses vues. Mais le Führer ne répond pas. Le dirigeant allemand n’a aucune envie de voir Léopold III jouer le moindre rôle politique. Au mois de juillet, il ordonne d’ailleurs d’intensifier le contrôle autour de Laeken.

En octobre, envoyée par son frère, Marie José se rend en Allemagne. Objectif : arranger une entrevue entre le roi des Belges et Hitler. Cette fois, ça marche. La rencontre est fixée au 19 novembre. Elle aura lieu à Berchtesgaden, dans les Alpes. Depuis les années 1920, le chancelier est attaché à la région. Durant la guerre, plus qu’à Berlin, c’est dans son nid d’aigle bavarois qu’il prend ses décisions.

Principal sujet de l’entretien : le statut de la Belgique. Une fois la paix revenue, l’indépendance du pays sera-t-elle garantie ? En son for intérieur, Léopold III est prêt à perdre la souveraineté internationale de la Belgique ; en revanche, il tient à conserver une autonomie interne. Malgré la vive insistance du roi, Hitler ne répond pas clairement à sa question. De même, sur les autres sujets, le souverain obtient peu d’engagements précis. Evoquant le sujet du ravitaillement, le sort des prisonniers, la direction de l’économie, il se heurte, le plus souvent, à l’indifférence de son interlocuteur.

Léopold III a joué. Et perdu. Dorénavant, sa popularité ne fera que décroître. En décembre 1941, elle s’effondre littéralement lorsque les Belges apprennent le mariage de leur roi avec Lilian Baels. Quelques années plus tard, en pleine Question royale, les anti-léopoldistes rappelleront que, pendant que les Belges souffraient, leur roi convolait en justes noces. Et serrait la main d’un nazi.

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