Retour amer à Melsbroek pour les paracommandos belges après l'opération franco-belge au Zaïre. © Belga

19 mai 1978 : au Zaïre, les Français prennent les Belges de vitesse

Le Vif

L’heure est grave : des forces rebelles ont envahi le Shaba, au Zaïre. Les puissances occidentales se mobilisent. Les Belges et les Français, qui comptent de nombreux ressortissants dans la région, sont particulièrement inquiets. Ils finissent d’ailleurs par décider d’intervenir militairement.

Une opération franco-belge ? Magnifique. Sauf que le 19 mai, les troupes de la Légion étrangères sont larguées sur Kolwezi… sans concertation avec Bruxelles ! Ce n’est que le 20 mai que les gros porteurs de l’armée belge atterrissent dans l’ancienne colonie. A Bruxelles, l’affaire passe mal. Mais que s’est-il donc vraiment passé ?

Mi-mai : la tension est à son comble dans le Shaba, anciennement appelé Katanga. Des rebelles sécessionnistes s’attaquent aux intérêts économiques de cette région riche en matières premières, située dans le sud du pays. Les troupes de Mobutu sont dépassées. Et de nombreux Occidentaux sont en danger. A Bruxelles, les ministres se réunissent en comité de crise. L’idée d’une intervention armée gagne rapidement du terrain. Henri Simonet, chef de la diplomatie belge, y est personnellement favorable.

Et pourtant, la perspective ne fait pas l’unanimité. Comme souvent, les Belges sont divisés. Les réticences proviennent surtout du Nord. La Flandre n’aime pas Mobutu ; elle redoute une opération qui aurait pour but de soutenir le dictateur. De plus, l’idée d’une intervention commune avec la France la tente peu. Hektor De Bruyne, ministre du Commerce extérieur et membre de la Volksunie, y est même carrément opposé. Quant au Premier ministre Leo Tindemans, comme souvent, il se montre indécis. Sensible aux réactions de l’opinion publique, il essaie surtout de gagner du temps. Le 18 mai, devant l’accroissement de la menace, le gouvernement admet enfin le principe d’une intervention. Dans la foulée, l’état-major français est informé. Le principe d’agir de concert est arrêté.

Le 19 mai dans la nuit, rebondissement : le gouvernement belge apprend que les paras français sont sur le point d’être lâchés sur Kolwezi, la principale ville du Shaba. La décision aurait été prise par le président Valéry Giscard d’Estaing en personne. Des démarches diplomatiques n’y changent rien : en matinée, la Légion française entame ses grandes manoeuvres. « L’opération est faite en plein accord avec le gouvernement belge », annonce-t-on à Paris. « Cette action séparée de la France n’était pas prévue », répond-on à Bruxelles, où l’on se sent trahi. Le lendemain, les militaires belges débarquent au Congo.

Le bilan des opérations ? Il est positif. Si quelques dizaines d’expatriés perdent la vie, les rebelles sont rapidement mis en déroute. Mais il y a un autre bilan. Sur le plan du prestige, la Belgique a perdu des plumes. Ses atermoiements se sont payés cash. « Lâches, engagez-vous dans l’armée belge », titre un journal satirique français. La réalité est moins dure mais pas plus glorieuse : là où Paris mène une véritable politique africaine, Bruxelles bricole avec des compromis et sans moyens. Serait-ce la différence entre une grande nation et un petit pays ?

Vincent Delcorps

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