Carlo De Benedetti est défait, mais son OPA ratée sur la Générale entraînera des conséquences fâcheuses pour l'économie de la Belgique. © ÉRIC LUYCKFASSEEL/BELGAIMAGE

17 janvier 1988, le jour où De Benedetti a tenté une OPA sur la Société générale

En janvier 1988, le chef d’entreprise italien Carlo de Benedetti, déjà détenteur de 18% des parts de la Société générale de Belgique, va tenter une OPA afin de détenir un tiers des parts de la banque. S’en suivra un véritable thriller et entraînera des conséquences fâcheuses pour l’économie du pays.

C’était un dimanche. Vers 19 heures, Carlo De Benedetti arrive au domicile privé de René Lamy. Dans ses mains, l’homme d’affaires italien tient des pralines. La visite n’est pourtant guère de courtoisie. Bien que policée, c’est une offensive que l’Italien vient annoncer : par l’intermédiaire de ses différents groupes, il détient plus de 18 % de la Société Générale de Belgique. Et, dès le lendemain, il compte lancer une OPA pour s’emparer de 15 % supplémentaires. Le gouverneur du holding belge est abasourdi. Un véritable thriller vient de démarrer.

La Générale, c’est un mythe. Née avant la Belgique, elle a longtemps contribué à favoriser l’expansion industrielle du pays. Mais, à partir de la seconde moitié du XXe siècle, la  » Vieille Dame  » s’essouffle. Les secteurs traditionnels qui ont fait sa gloire – charbonnages et sidérurgie en premier lieu – entament leur déclin. En 1960, le Congo, traditionnelle vache à lait, acquiert son indépendance. Par ailleurs, dans une économie qui commence à se globaliser, le holding demeure fortement axé sur la Belgique. De plus en plus, la Générale s’interroge sur son mode de fonctionnement. Sans doute, en apparence, parvient-elle encore à dégager cette image de forteresse imprenable. Et pourtant, dans les faits, elle est surtout un ensemble de moins en moins homogène et de plus en plus fragile.

L’une de ses faiblesses réside précisément dans son actionnariat. Particulièrement nébuleux et dispersé, il est dominé par deux compagnies d’assurances (la Royale Belge et les AG) qui, ensemble, ne détiennent pas 7 %. Dans le courant de l’année 1987, le cours de la  » part de réserve « , le nom donné à l’action du groupe, augmente brutalement. La direction réagit en procédant à une augmentation de capital. Ce qui a pour effet d’apaiser la tempête. Mais l’accalmie est brève. Car dans l’ombre, un raider masqué continue de monter en puissance…

Le 17 janvier 1988, De Benedetti finit donc par se dévoiler. Quand il se présente auprès de Lamy, il croit la victoire acquise. Il a tort. C’est que la Générale n’a pas dit son dernier mot. Dès la nuit qui suit sa visite, la haute direction du groupe se réunit et procède à une augmentation de capital – sans consulter l’assemblée générale des actionnaires. Dans la foulée, elle se met en quête d’alliés. Dans un premier temps, André Leysen tente de créer un conglomérat belge. Trop isolé et (peut-être) trop gourmand, le patron flamand de Gevaert finit par abandonner ses projets – avant de prêter allégeance à… De Benedetti !

Mais une autre riposte s’organise. Depuis Paris, le groupe Suez décide de se lancer dans la bataille. En quelques semaines, il multiplie les achats et trouve plusieurs partenaires. Le 14 avril, une assemblée générale extraordinaire est convoquée. Le décompte est serré mais, au final, De Benedetti est défait. Une victoire ? En apparence, oui. Mais en quelques semaines, la Belgique venait de perdre le contrôle d’une partie importante de son économie.

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