Le 11 janvier 1993, Luc Van den Brande affirme qu'une Flandre autonome verra le jour dès 2002. Tollé dans le pays... © De Moot/Isopix

11 janvier 1993 : quand le roi Baudouin convoqua le président flamand

A l’époque, Luc Van den Brande, président de l’exécutif flamand provoque un tollé dans l’opinion publique. Après la réforme de l’État de 1993, il affirme que sa région sera autonome en 2002. La réaction du Palais ne se fait pas attendre. Le Roi convoque successivement Dehaene, Van Rompuy et le principal intéressé : Van den Brande.

Ce matin, Luc Van den Brande s’est exprimé dans La Libre Belgique. Une interview choc, reprise en première page du quotidien. Le président de l’exécutif flamand déclare que la dernière réforme de l’Etat n’est qu’une étape. Affirme que les Régions devraient détenir davantage de compétences, notamment dans le domaine des soins de santé et du chômage. Soutient que la Flandre sera autonome d’ici 2002. Et que l’échelon fédéral ne jouera plus bientôt qu’un rôle d’intermédiaire entre les Régions et l’Europe. Ce  » credo confédéral  » provoque une onde de choc dans le pays. Il est commenté par tous les médias, salué par les uns, condamné par les autres. Mais il y a plus étonnant : la sortie fait réagir le roi en personne. Le jour même, Baudouin convoque Van den Brande au palais.

Le contexte a son importance. Quelques mois plus tôt, sous la houlette du Premier ministre Jean-Luc Dehaene, les accords de la Saint-Michel ont été conclus. Ceux-ci prévoient une révision de la Constitution, le transfert de nouvelles compétences vers les Régions et un refinancement des Communautés. Officiellement, la Belgique va (enfin) devenir un Etat fédéral. A une nuance près : si les accords sont bouclés, les textes ne sont pas signés. Avant cela, ils doivent encore recevoir l’aval du Parlement. C’est alors que Van den Brande met le feu aux poudres.

La réaction du Palais est immédiate. Le 11 janvier, en fin de matinée, Baudouin reçoit Jean-Luc Dehaene. En début d’après-midi, il rencontre Herman Van Rompuy, le président des sociaux-chrétiens flamands. Dans la foulée, il convoque Luc Van den Brande. Qu’est-ce qui se dit entre les deux hommes ? Impossible à savoir. Encore aujourd’hui, l’ancien ministre-président demeure fidèle aux principes du colloque singulier. Seule certitude : l’entretien s’est déroulé dans le bureau du roi, en tête à tête et en néerlandais.

Le lendemain, on ne parle plus que de  » l’affaire Van den Brande « . Sans doute les positions osées du ministre-président flamand font-elles l’objet de nombreuses critiques – surtout au sud. Mais c’est davantage encore la réaction du roi qui fait couler l’encre – surtout au nord. Presque unanime, la Flandre prend le parti de son président. Devinant que celui-ci s’est fait admonester, elle contre-attaque. Pour elle, le chef de l’Etat s’est montré maladroit, trop politique, antidémocratique et carrément partial. Plus que jamais, l’image d’un roi francophone, davantage attaché aux intérêts des Wallons qu’à ceux des Flamands, émerge. Du côté du Vlaams Blok, on va même jusqu’à réclamer que le monarque soit placé dans l’incapacité de régner.

Anecdotique ? Pas vraiment. L’affaire Van den Brande révèle des tendances profondes, qu’elle contribue d’ailleurs à intensifier. D’un côté, un éloignement entre les deux grandes communautés du pays ; de l’autre, une distanciation entre la Flandre et le roi. En avril 1993, la quatrième réforme de l’Etat sera votée. Van den Brande n’avait pas tort : elle ne fut pas la dernière. Mais il n’avait pas complètement raison : en 2017, la Flandre n’est pas (encore ?) autonome.

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