© Nikos Mitsouras/Corbis

Thierry Neuville : « Je me vois en WRC pour encore quinze ans au moins »

Reconnu comme l’un des espoirs les plus prometteurs du rallye mondial, le Belge Thierry Neuville poursuit sa phase d’apprentissage au plus haut niveau. Après avoir remporté deux courses en IRC la saison dernière, le sympathique pilote originaire de Saint-Vith se bat maintenant au coeur du WRC (World Rally Championship). Le top !

Le Vif Extra : Tu n’as que 24 ans… Mais pourtant, on a l’impression que le rallye et Thierry Neuville, c’est déjà une longue histoire d’amour ? Thierry Neuville : Oui. Franchement, je ne saurais pas dire à quand remonte précisément cette passion. C’est ma famille qui m’a fait découvrir le rallye. Ils ont toujours aimé cette discipline assez populaire dans notre région. On allait souvent voir les petites épreuves locales et aussi un ou deux grands événements nationaux par an.

À quel âge as-tu mis le pied à l’étrier et participé à ta première course ? J’ai participé à mon premier rallye en 2007. J’avais 19 ans et c’était en tant que copilote. Ça reste un bon souvenir même si la course s’est arrêtée pour nous après dix kilomètres… Mais mon premier vrai rallye au volant, c’était fin 2007 au Luxembourg. D’emblée, j’ai fini second au classement général !

Premier rallye au Luxembourg, ensuite tu as participé au championnat de France puis rapidement à des courses en championnat du Monde. D’évidence, c’est important pour un pilote belge de courir en dehors de nos frontières.

Oui, c’est capital. En Belgique, on a la chance d’avoir beaucoup de rallyes « asphalte » assez différents. Entre le rallye du Condroz, celui d’Ypres et même les Boucles de Spa, les différences sont assez marquées. En revanche, on n’a aucun rallye comme celui de Rouergue, en France, où l’asphalte est très abrasif, les routes tournent sans arrêt et où il y fait très chaud. En Belgique, les routes sont au contraire souvent très glissantes. Donc, il est primordial pour un pilote belge qui souhaite évoluer au plus haut niveau de rouler à l’étranger pour rencontrer des conditions de course différentes. Sans oublier qu’il n’existe pas de rallye « terre » chez nous !

En remportant le Citroën Racing Trophy en Belgique en 2009, tu as suscité l’intérêt de la marque championne du monde. Après tes coups d’éclats en 2011, en remportant les épreuves mythiques du Tour de Corse et de San Remo en IRC, tu te retrouves déjà dans la catégorie reine, le WRC. Qui plus est, au sein de l’équipe championne du monde… Ça met la pression?

Non, je ne dirai pas ça. Au contraire. C’est plutôt une énorme chance d’être intégré ainsi au sein de l’équipe championne du monde. Et, de plus, à bord… de la voiture championne du monde ! L’expérience acquise auprès de Citroën Racing et son savoir-faire représente une grande valeur ajoutée. Il y a ainsi beaucoup moins de paramètres à découvrir seul. Pour mon apprentissage, c’est un gain de temps énorme. En revanche, il est évident que désormais il y a aussi des attentes et un objectif à atteindre à chaque rallye. Quand on est intégré dans une équipe de ce niveau, on ne se présente pas sur la ligne de départ juste pour rouler !

A ce propos, quelles sont les attentes de Citroën Racing? Réaliser des coups d’éclats en signant des temps « scratchs » et en briguant la victoire au risque de ne pas finir la course ? Ou bien d’en garder sous la pédale afin d’être certain d’engranger un maximum de kilomètres ?

A chaque rallye, les attentes de l’équipe s’adaptent aux circonstances de la course. Si on a la possibilité d’obtenir un bon résultat, on me laisse augmenter le rythme. Mais le but principal reste toujours le même au moment d’aborder chaque épreuve : parcourir toutes les spéciales à au moins une reprise. Et jusqu’ici, on a quasiment réussi à atteindre cet objectif. C’est vraiment primordial pour les prochaines années. Ceci pour soigner davantage les notes (NDLR : indications de conduite relevées par le copilote) et engranger un maximum d’expérience pour pouvoir se battre plus efficacement à l’avenir.

En effet, des notes pas suffisamment précises vous ont amené à commettre quelques fautes cette saison. C’est ce domaine que tu dois encore travailler avec ton copilote Nicolas Gilsoul ?

C’est vrai qu’on a eu beaucoup de difficultés avec nos notes en début d’année. Mais nous avons beaucoup progressé et nous nous sommes nettement améliorés. Tout comme ma condition physique qui s’est également nettement renforcée par rapport aux années précédentes. Je pense que c’est plus en régularité que je dois progresser. C’est une qualité très importante en rallye. Il faut pouvoir rouler vite, c’est sûr, mais surtout sur toute la durée de l’épreuve. Et c’est peut-être cette régularité qui nous manque encore pour le moment. Mais l’expérience acquise va bien évidemment jouer un grand rôle à l’avenir. Ce qui permettra de trouver plus rapidement les bons réglages et d’appréhender plus facilement les revêtements ou les différentes conditions de course.

L’expérience se vit plus qu’elle ne se partage. Il en est ainsi pour les réglages de la voiture. Mais ne peux-tu compter sur tes coéquipiers ? Avoir Sébastien Loeb, le champion du monde, dans son équipe, ça peut aider, non ?

De toute façon, je dirais que chacun doit régler sa voiture en fonction de son style de conduite. On a tous des préférences et des sensations différentes au volant. Mais c’est évident qu’en tant que membre de l’équipe j’ai accès aux réglages appliqués par Sébastien et Mikko (NDLR : Mikko Hirvonen, l’autre pilote Citroën qui est actuellement second du championnat). Ces indications m’aident à m’orienter efficacement. Sans perte de temps.

Dois-tu suivre un entraînement intensif ? A quoi ressemble la semaine d’un pilote de WRC en dehors des épreuves. Disposes-tu de beaucoup de temps libre ? Le plus important, c’est de pratiquer du sport quotidiennement pour entretenir et améliorer sa condition physique. C’est essentiel pour pouvoir maintenir le rythme durant tout un week-end de course. Le tout dépend du temps disponible. Parfois je m’entraîne pendant deux heures par jour ou, au pire, pendant quinze minutes. Si je trouve un peu de temps libre, j’essaie systématiquement d’en profiter pour rouler en karting ou en quad. Ce sont les deux activités que je préfère en dehors du rallye. Le reste du temps, soit je le passe avec mon ingénieur pour discuter de la préparation de la voiture en vue de la prochaine course, soit je me rends à différents événements organisés par nos partenaires… C’est vrai qu’au final, il y a peu de temps mort dans mon planning !

Trouves-tu le temps de communiquer avec tes admirateurs. Est-ce important pour toi ?

À l’heure des nouvelles technologies de communication, le public s’attend à être de plus en plus informé. Facebook ou Twitter permettent de rester facilement en contact avec lui. J’essaie, du coup, de m’impliquer personnellement et de maintenir le dialogue. Il est important de partager avec mes fans ce que je découvre quotidiennement. J’aime le contact et je reste accessible. En toute simplicité.

Ton plus beau souvenir, ta plus grosse frayeur et ta plus grande déception ?

Le plus beau souvenir, c’est évidemment une de mes deux victoires dans le championnat IRC l’année dernière. Si je devais choisir, je dirais celle du San Remo car la victoire s’est jouée, à la seconde près, jusqu’à la toute dernière spéciale. Ce fut, jusqu’ici, le moment le plus intense de ma carrière. Pour la frayeur, je ne vois pas de trop… Même si je dois avouer que parfois on s’en fait de petites. Toutefois, je dois concéder que lors de notre sortie de route au rallye d’Allemagne, en août dernier, j’ai eu quelques frissons. En revanche, des déceptions, j’en ai déjà eu quelques-unes… La plus grande, ce fut en Finlande. Nous avions un super bon rythme malgré mon inexpérience. A cause d’un petit problème de vibration à une roue, je n’arrivais plus à entendre les notes de Nicolas et nous sommes sortis dans un virage en épingle à cheveux. J’étais vraiment déçu car je suis sûr qu’on aurait pu finir la course sur une belle note.

Tous les observateurs s’accordent à dire que Thierry Neuville a l’étoffe pour être un grand champion. A quand la première victoire ?

Je dirais qu’il y a plus de chance pour que cela arrive lors d’une des manches « asphalte » du championnat. C’est le revêtement que je connais le mieux. Bien que cette année, mon pilotage sur terre a bien évolué. C’est là d’ailleurs que nous avons le plus progressé. Et, si c’est sur terre que nous remportons notre première victoire, elle aura d’autant plus de valeur à nos yeux !

Même si Citroën n’a pas encore annoncé officiellement son intention de participer à la saison prochaine, peut-on être certain de te voir à nouveau batailler en 2013 ?

J’espère encore rouler en WRC en 2013. Personnellement, je me vois y évoluer au moins pendant encore au moins quinze ans (rires). On y travaille en tous cas. Si possible, j’aimerais pouvoir encore rouler sous les couleurs de Citroën Sport car je me sens bien dans l’équipe. Jusqu’ici, on a toujours bien travaillé ensemble et j’espère que ça pourra continuer à l’avenir. Mais pour le moment aucun indice n’indique que l’aventure ne se poursuivra pas l’année prochaine.

Jean-François Christiaens

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